Un groupe de travail mis en place par Christiane Taubira préconise, dans un rapport non encore publié auquel La Croix a eu accès, de suspendre les peines de détenus atteints de troubles psychiatriques.
Libérer les malades mentaux, telle est l’une des propositions phare du groupe de travail « Santé-Justice » mis en place l’an dernier par Christiane Taubira et Marisol Touraine. Dans un rapport remis récemment aux deux ministres, le groupe d’experts préconise d’étendre le dispositif des suspensions de peine aux détenus présentant des « troubles de nature psychiatrique ».
Une proposition détonante qui pourrait, à terme, bouleverser la physionomie des prisons. On évalue en effet entre 20 et 30 % le pourcentage de détenus souffrant de troubles psychotiques (schizophrénie, psychose, paranoïa, bouffées délirantes aiguës, etc.)
TRÈS PEU DE CONDAMNÉS LIBÉRÉS EN 2012
Les libérations pour raison médicale restent pour l’heure extrêmement limitées. Seuls 253 condamnés en ont bénéficié en 2012, un nombre infime si on le rapporte aux 90 982 personnes placées sous écrou cette même année. Ces libérations ont été prononcées dans deux cas de figure : soit le pronostic vital du détenu était engagé, soit son état de santé était jugé « durablement incompatible avec le maintien en détention ».
Ce dernier point fait pour le moment l’objet d’une lecture très restrictive : les médecins n’envisagent souvent la santé du détenu que sous l’angle somatique, et non sous l’angle psychique. Une aberration pour le groupe de travail, qui préconise de réécrire l’article codifiant les suspensions de peine (720-1-1 du code de procédure pénale) afin d’en étendre le périmètre.
LA CHANCELLERIE A PRIORI FAVORABLE
Le rapport « Aménagements et suspensions de peine pour raison médicale » justifie sa proposition en soulignant qu’actuellement, « la situation des personnes est regardée essentiellement sous le prisme de l’offre de soins existante en prison, et non sous celui de la dignité humaine ».
Difficile de savoir quelles suites seront données à cette préconisation. Une chose est sûre, le ministère de la justice est a priori en phase avec un tel projet. Le groupe de travail comptait en effet plusieurs représentants de la chancellerie (Direction générale des services, Direction des affaires criminelles et des grâces, Direction de l’administration pénitentiaire). Tous, sans exception, se sont prononcés en faveur de la libération des malades mentaux.
Cette proposition pourrait resurgir lors du débat sur la réforme pénale prévue en avril. Et sous forme d’amendement lors de l’examen du projet de loi sur la prévention de la récidive. Voilà qui promet des discussions animées au Parlement. Les tenants de la ligne sécuritaire ne manqueront pas de fustiger, une fois de plus, le « laxisme » du gouvernement en matière pénale.
LA QUESTION DE LA PRISE EN CHARGE DE CES MALADES
Côté prison, l’idée de libérer les malades mentaux fait l’unanimité. L’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) comme l’Observatoire international des prisons (OIP) ou encore les syndicats de surveillants dénoncent tous depuis des années la présence en prison de personnes n’ayant rien à y faire.
Une telle décision, si elle devait être prise, devrait inévitablement s’accompagner d’une réflexion sur la prise en charge de ces détenus à leur sortie de prison, et ce plus encore à l’heure où les établissements psychiatriques pâtissent d’un cruel manque de lits.