Transaction pénale : confusion sur le sort des délits routiers

La transaction pénale est née dans un certain cafouillage. Contrairement à ce que nous avons écrit vendredi 16 octobre sur LeMonde.fr et dans le journal datée du samedi 17 octobre, les délits de conduite sans permis ou sans assurance ne sont pas concernés par cette nouvelle disposition.

Censée réprimer plus efficacement, en les sortant des tribunaux, les petits délits comme la simple consommation de cannabis ou les vols de moins 300 euros, cette transaction pénale est entrée en vigueur vendredi.

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Le décret d’application publié jeudi au Journal officiel semble avoir pris tout le monde de court. Au point que le ministère de la justice s’est même trompé en affirmant que les délits routiers étaient concernés. Faux ! Ces délits sont bien passibles de peines d’un an d’emprisonnement au plus – la limite retenue pour entrer dans le champ de cette transaction pénale – mais ils dépendent du code de la route et non du code pénal ni du code de la santé, spécialement invoqué pour l’usage des stupéfiants.

Même le député Dominique Raimbourg (PS, Loire-Atlantique) semble tomber des nues. Rapporteur du projet de loi sur la réforme pénale de 2014, auteur de l’amendement parlementaire à l’origine de l’extension de cette pratique de la transaction jusqu’ici réservée aux douaniers, et président du comité de suivi de la mise en œuvre de la réforme pénale, il n’avait pas été informé de la parution de ce décret. Un texte pourtant signé de Manuel Valls et de quatre de ses ministres, Christiane Taubira (justice), Michel Sapin (finances), Bernard Cazeneuve (intérieur), et George Pau-Langevin (outre-mer). Mais publié sans la moindre publicité compte tenu de la peur des politiques dès que l’on aborde la question du cannabis.

Le but de cette réforme est de désengorger les tribunaux des petits délits qui, le plus souvent, sont sanctionnés par des amendes de quelques centaines d’euros, quand ils sont poursuivis. Compte tenu des délais de la justice, les mis en cause ne sont pas toujours présents aux audiences et les amendes sont mal recouvrées. La transaction pénale permet de proposer une amende qui, si elle est réglée sur-le-champ, éteint l’action pénale. Elle n’est pas inscrite au casier judiciaire.

« Aucune instruction »

Le parti de Nicolas Sarkozy n’a d’ailleurs pas tardé à réagir. Un communiqué des Républicains a dénoncé un « projet caché du gouvernement » : « la consommation de cannabis est donc aujourd’hui de fait contraventionnalisée ». Ce qui est à la fois faux et cocasse alors que M. Sarkozy plaidait en 2003, en tant que ministre de l’intérieur, pour une telle réforme afin d’améliorer l’efficacité répressive.

Du côté des magistrats ou de la Place Beauvau, l’information sur la mise en œuvre de la transaction pénale ne semble pas avoir été beaucoup plus claire. « Nous n’avons eu aucune instruction du directeur général de la police nationale dans les services », explique Jean-Marc Bailleul, du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure, un syndicat de policiers.

Chez les procureurs, appelés à autoriser ces transactions que les officiers de police judiciaire proposeront aux personnes plutôt que de les envoyer au tribunal, on se montre prudent tant qu’une circulaire de la chancellerie ne vient pas donner d’orientations générales sur la pratique de ce nouvel instrument. Mais, au ministère de la justice, on préfère attendre de voir comment les parquets et la police s’emparent de la transaction pénale avant de songer à établir une circulaire. Le brouillard n’est pas près de se dissiper.

 Jean-Baptiste JacquinChroniqueur économique –  Laurent Borredon, Journaliste
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