Article paru sur LeMonde.fr le 16 novembre 2009
Le gouvernement n’aurait encore rien décidé sur le sort qu’il réserve aux juges d’instruction. D’après Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la justice, le gouvernement en serait toujours « au stade de la réflexion, de la discussion et de l’écoute » et pas encore à celui de « des arbitrages auxquels [il]se conformera le moment venu ».
La suppression du juge d’instruction, préconisée par le rapport Léger remis en septembre à Nicolas Sarkozy et défendue par la ministre de la justice Michèle Alliot-Marie, a suscité un tollé à gauche et parmi une grande partie du monde judiciaire qui voient dans ce projet une menace contre l’indépendance de la justice. Mais pour M. Bockel, « il n’y a actuellement pas de projet. On travaille actuellement à [sa]définition ».
M. Bockel souhaiterait la création d’un « juge de l’instruction », magistrat indépendant qui donnerait une « direction à l’enquête » assurée au quotidien par le parquet, dépendant du pouvoir. Ce juge interviendrait également en formation collégiale aux « trois phases les plus importantes de l’enquête : mise en cause d’une personne, placement en détention provisoire, renvoi ou non devant une juridiction ». « Le juge de l’instruction indiquerait une direction pour l’enquête, ce qui est une garantie de l’indépendance. La direction opérationnelle au jour le jour serait assurée par le parquet », a souligné le secrétaire d’Etat.
La position de Jean-Marie Bockel se démarque de celle de Michèle Alliot-Marie, favorable à la création d’un « juge de l’enquête et des libertés » (JEL), chargé seulement de contrôler le travail du parquet, unique autorité dirigeant l’enquête. Face aux critiques sur le risque d’enterrement de certains dossiers, Michèle Alliot-Marie n’exclut pas un renforcement des compétences du futur JEL, suggérant que ce juge, et non le seul procureur, puisse renvoyer un mis en cause devant une juridiction.
Les milieux judiciaires ont récemment salué la décision de renvoyer Jacques Chirac en correctionnelle comme un signe d’indépendance de la justice alors que le parquet avait requis un non-lieu. Indépendance qui, selon ces derniers, pourrait être remise en cause par la suppression du juge d’instruction.
Jean-Marie Bockel a également expliqué que la question du statut du parquet « ne [devait]pas être un tabou », allusion au lien hiérarchique avec la Chancellerie. « On peut trouver un bon équilibre pour sortir par le haut du débat actuel parquet/pas parquet, indépendance/pas indépendance », a-t-il souligné en précisant qu’il s’exprimait également en tant que président du mouvement la « Gauche Moderne ».