Sarkozy renoncerait à la réforme de la justice avant 2012

Article paru sur LeMonde.fr le 5 mai 2010


Nicolas Sarkozy a paru lâcher du lest pour la première fois, mardi, sur le projet de réforme très controversé de la procédure pénale et de sa mesure phare, la suppression du juge d’instruction, en recevant des sénateurs UMP à l’Elysée, à l’occasion du troisième anniversaire de son élection. Selon des propos rapportés par des participants, le chef de l’Etat envisage désormais à demi-mot d’abandonner en partie ce projet avant la présidentielle de 2012.


« On est sur un sujet plus lourd sur lequel il nous a demandé de réfléchir pour voir quelles peuvent être les priorités, c’est-à-dire ce qui peut être traité dans le délai du quinquennat et ce qui ne peut pas être traité dans le délai du quinquennat », a dit Jean-Paul Alduy, sénateur des Pyrénées-Orientales. « Il n’y pas de ligne directrice sur ce débat-là », a ajouté le sénateur. Son collègue de Saint-Pierre-et-Miquelon, Denis Detcheverry, a dit pour sa part que Nicolas Sarkozy avait indiqué que ce projet de réforme nécessitait « du temps ». « C’est quelque chose d’extrêmement compliqué (…). Je pense qu’il va revoir un peu sa position et c’est quelque chose qui va sans doute prendre un peu de retard », a-t-il déclaré.


Les mots du président de la République s’apparentent à un désaveu pour la garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie. En effet, elle réaffirmait le 20 avril, dans un entretien au Figaro, la volonté du gouvernement de mener à son terme la réforme de la procédure pénale en annonçant un calendrier accéléré d’examen du projet de loi par le Parlement. Michèle Alliot-Marie assurait alors que la réforme de la garde à vue et la suppression du juge d’instruction seraient présentées « parallèlement à l’Assemblée nationale et au Sénat à la session d’automne ». « La réforme commencera à être appliquée dès la mi-2011 », précisait-elle encore.


La garde des sceaux semblait pourtant suivre les exigences du président de la République. C’est en effet Nicolas Sarkozy qui a annoncé, le 7 janvier 2009 devant la Cour de cassation, la fin du juge d’instruction. Le projet présidentiel prévoyait alors de confier les enquêtes pénales les plus importantes au procureur, lié au pouvoir politique, au détriment du juge d’instruction, indépendant par son statut. L’idée est condamnée par les organisations de magistrats, les avocats et des associations de victimes, qui estiment qu’elle équivaut à placer le système sous tutelle du pouvoir. Et l’affaire Clearstream a mis en lumière les liens entre parquet et pouvoir exécutif, donnant une image peu avantageuse du ministère public.


Les Français ont eux-mêmes exprimé leur hostilité au projet : des sondages ont montré leurs inquiétudes quant à l’indépendance de la justice. Les précédents projets de suppression du juge d’instruction conditionnaient sa disparition à une plus grande indépendance du parquet.


Lors de cette rencontre, le président de la République s’est en revanche prononcé pour une « procédure accélérée » concernant l’adoption du projet de loi sur l’interdiction du port de la burqa dans l’espace public. Ce dispositif permet de réduire l’examen du texte à une lecture à l’Assemblée et une lecture au Sénat.

source : LeMonde.fr
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