Les députés ont voté le projet de loi tendant à «renforcer l’efficacité des sanctions pénales». La majorité se sera montrée plus remuante que l’opposition à l’égard de ce texte qui introduit une nouvelle peine, la contrainte pénale, évitant aux auteurs de délits de passer par la case prison.
Presque comme une lettre à la poste. Promis à d’âpres discussions, le projet de réforme pénale défendu par Christiane Taubira a finalement été adopté à l’assemblée sans trop d’encombres dans la nuit de jeudi à vendredi, soit avec pratiquement une journée d’avance. Mardi prochain interviendra le vote solennel au Palais Bourbon de ce texte sur l’adoption duquel le gouvernement ne tient pas à traîner. Examinée en procédure accélérée, c’est-à-dire à raison d’une seule lecture par chambre, il doit aller encore au Sénat. Son adoption définitive pourrait intervenir d’ici à fin juillet.
A l’Assemblée nationale, les débats, ouverts mardi, menaçaient pourtant de s’envenimer dans la soirée de jeudi à l’approche de l’article instituant une nouvelle peine, la contrainte pénale, conçue pour être purgée en milieu ouvert contrôlé. Une disposition emblématique de la volonté de la garde des Sceaux de sortir de la politique du « tout carcéral » et régulièrement dénoncée par l’opposition qui y voit l’expression du « laxisme » de la gauche en matière judiciaire.
La majorité partagée
Sans surprise, les discussions se sont effectivement tendues sur cette disposition, faisant refleurir l’ambiance des débats sur le mariage homosexuel. « Voilà deux ans que vous me faites des procès insupportables », a lancé à l’UMP la garde des Sceaux, qui s’est vue accusée de relativiser les faits divers.
Mais le gros des tensions n’est pas venu de ce côté de l’hémicycle. La majorité elle-même est apparue partagée sur la contrainte pénale et la portée à lui donner. La semaine dernière, les députés socialistes avait voté en commission l’extension de cette peine à tous les délits avec l’accord tacite de Christiane Taubira et à la grande fureur de l’exécutif. L’été dernier, le chef de l’Etat avait en effet arbitré en faveur de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, pour limiter cette disposition aux délits encourant 5 ans de prison maximum. Jeudi, la gauche s’est ralliée, non sans mal, au compromis avancé à la veille des débats par Dominique Raimbourg, le rapporteur PS du projet de loi. L’extension de la contrainte pénale à tous les délits interviendra bien, mais à compter du 1er janvier 2017.
Rétention de sûreté
Une solution qualifiée de « comédie » par l’UMP et qui n’a ravi ni les écologistes, ni le Front de gauche qui se sont montrés très offensifs sur un texte, selon eux, largement vidé de sa substance. Sans grand succès. L’abrogation des tribunaux correctionnels pour mineurs , que le députés du Front de Gauche ont défendu avec ceux du Parti radical de gauche et quelques autres du PS, s’est heurté à un « niet » du gouvernement. La position de l’exécutif « est de ne pas introduire de dispositions sur les mineurs dans cette réforme », a insisté Christiane Taubira. L’abrogation de ces tribunaux créés sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, et sur laquelle François Hollande s’est engagé, sera votée, mais dans un autre texte et pas par voie d’amendement.
Il en sera de même pour la rétention de sûreté, instituée en 2008 pour les criminels condamnés à au moins 15 ans de prison et jugés dangereux une fois leur peine purgée. Le chef de l’Etat est favorable à sa disparition, mais le moment n’est pas encore venu. Autre déconvenue pour l’aile gauche de la majorité, les députés ont voté le possible aménagement des peines de moins d’un an de prison dès leur prononcé, contre deux ans actuellement (un an pour les récidivistes). Une mesure qui paraît plus répressive que ce que prévoit la loi pénitentiaire de 2009.
Quelques avancées pour les victimes
En revanche, la suppression des « peines plancher » pour les récidivistes, autre promesse de Français Hollande et qui, elle, figure dans le projet de loi, a été votée. Il aura tout de même fallu en passer à nouveau par un débat houleux entre l’UMP, qui accuse la gauche de vouloir « vider les prisons » et la ministre de la Justice qui a dénoncé l’efficacité de ce dispositif instauré en 2007 par Rachida Dati. L’examen du projet de loi tendant à « renforcer l’efficacité des sanctions pénales » se solde aussi par quelques avancées pour les victimes. Celles-ci auront droit à une « justice restaurative » qui engage les auteurs d’infraction à les rencontrer, mais sur la base du volontariat. Une « sur-amende » a été créée pour financer les associations d’aide aux victimes.