Réforme pénale : premières passes d’armes à l’Assemblée

Les députés ont commencé mardi 3 juin à débattre de la réforme pénale de Christiane Taubira. Lors d’une discussion sans concession, mais sans dérapage ni incident, l’opposition a multiplié les attaques contre « une loi qui instaure dans les faits une sorte d’impunité légale », selon l’expression d’Eric Ciotti (UMP), tandis que toute la gauche, malgré parfois des réserves sur le caractère limité du texte, l’a soutenu et a fustigé le bilan de la droite en matière de sécurité.

 

 

Lire : ce qu’il faut savoir sur la loi Taubira qui arrive à l’Assemblée

 

 

Le projet de loi « tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales » sera débattu jusqu’à vendredi. Parmi ses principales dispositions :

– la suppression des peines planchers pour les récidivistes, créées sous Nicolas Sarkozy et perçues comme « contraires au principe de l’individualisation des peines » ;

– la prévention de la récidive en évitant les sorties « sèches » de prison ;

– la création d’une nouvelle peine de probation, sans emprisonnement : la contrainte pénale, qui concentre les critiques de la droite.

 

 

Lire : La contrainte pénale en cinq questions

 

 

Le texte a fait l’objet de plus de huit cents amendements, dont six cent cinquante de l’UMP. Devant les députés, Christiane Taubira a vanté un « texte de protection de la société » offrant « des solutions efficaces ».

« Dire que nous souhaitons vider les prisons » n’a « aucun sens », s’était peu avant énervé le premier ministre, Manuel Valls, lors des questions au gouvernement.

Mais de nombreux orateurs de l’UMP ont insisté sur les divergences, passées ou présentes, entre Christiane Taubira et Manuel Valls — ce dernier, alors ministre de l’intérieur, avait jugé le texte trop laxiste.

L’opposition a aussi souligné que Christiane Taubira avait été désavouée par François Hollande et son premier ministre la semaine précédente pour ne pas s’être opposée au vote en commission d’un amendement élargissant la contrainte pénale.

 

 

Lire notre récit : Comment François Hollande a rappelé à l’ordre Christiane Taubira

 

 

Sur le sujet, un compromis a été avancé mardi, qui restera à valider en séance : une « expérimentation » préalable. Ainsi le champ de cette peine serait limité jusqu’au 1er janvier 2017 aux délits punis de cinq ans de prison, avant de s’appliquer à tous les délits. Pour ces derniers réglages, Manuel Valls lui-même a rencontré les parlementaires peu avant le débat, en l’absence de Christiane Taubira.

 

 

SOUTIEN DU FRONT DE GAUCHE ET D’EELV

 

En séance, la discussion a souvent glissé sur la bataille de chiffres, en particulier sur le taux d’incarcération, de cent deux détenus pour cent mille habitants en France. Un taux bien inférieur à la moyenne des pays du Conseil de l’Europe (cent cinquante-deux) a souligné la droite.

Mais, a rétorqué le rapporteur du texte, Dominique Raimbourg, cette moyenne est plombée par le poids de pays répressifs comme la Russie (avec un taux de six cents), alors qu’en Allemagne il n’est que de quatre-vingt-dix et de soixante à soixante-dix dans les pays scandinaves.

 

De leur côté, les écologistes et le Front de gauche ont soutenu l’extension de la contrainte pénale à tous les délits, alors que les radicaux de gauche ont annoncé qu’ils la refuseront. Pour le reste, ces trois groupes ont apporté leur soutien au texte.

Marc Dolez (Front de gauche) a cependant regretté que le projet « n’aborde pas la question cruciale des moyens », et, comme lui, l’écologiste Sergio Coronado a regretté qu’il ne remette pas en cause la rétention de sureté.

L’élu d’Europe Ecologie-Les Verts a relevé « l’extrême sévérité à l’égard de la petite délinquance et la tolérance envers celle en col blanc », soulignant qu’aucun député, sur aucun banc, n’a réclamé de prison dans les affaires Cahuzac et Bygmalion.

 

 

« VENDÔME DE LA JUSTICE »

 

Du côté de l’opposition, Eric Ciotti, pour l’Union pour un mouvement populaire (UMP), a parlé d’un « tournant particulièrement dangereux pour la sécurité des Français ». Selon lui, 75 % des Français seraient opposés à la réforme de Christiane Taubira.

Pour l’Union des démocrates et indépendants (UDI), Michel Zumkeller a appelé le gouvernement à renoncer à son projet et à convoquer un « Vendôme de la justice » — le ministère est sis place Vendôme — avec tous les professionnels concernés pour réformer la justice.

Quant à la député du Front national Marion Maréchal Le Pen, elle a lancé au gouvernement : « Continuez de la sorte et nous nous ferons un plaisir d’abroger votre texte en 2017 ! »

source : Le Monde.fr avec AFP
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