Le président compte reprendre l’objectif de 15 000 places nouvelles en simplifiant les procédures et en incluant des établissements « ouverts », sans barreaux ni mirador.
LE MONDE | • Mis à jour le | Par Jean-Baptiste Jacquin
En annonçant dès le 15 janvier, au premier jour du mouvement de protestation des surveillants de prison, qu’un « plan pénitentiaire global » serait prêt avant la fin du mois de février, le président de la République a pris date, avec l’intention de faire des annonces fortes. Selon nos informations, Emmanuel Macron devrait en particulier décider d’accélérer le plan de construction de 15 000 places de prisons annoncé par le gouvernement Valls en septembre 2016, mais non financé.
Nicole Belloubet, ministre de la justice, a affirmé jusqu’ici pouvoir s’engager sur la livraison (ou la pose de la première pierre) de 10 000 places, avant la fin du quinquennat. Un objectif déjà ambitieux alors que le délai moyen pour faire sortir de terre de tels établissements est de sept ans, hors aléas juridiques. L’horizon fixé par le précédent gouvernement était d’ailleurs 2027.
Pour l’heure, le budget 2018 du ministère de la justice prévoit 26 millions d’euros pour ce programme. Une goutte d’eau pour un plan qui pourrait dépasser les 2 milliards d’euros. Juste de quoi lancer des études sur une poignée d’établissements et commencer à acquérir des terrains.
Mais le président de la République en veut plus et plus vite. Afin de pouvoir inscrire l’objectif de 15 000 places de prisons supplémentaires (sur les 60 000 actuelles) dans le temps du quinquennat, l’Elysée devrait annoncer des réformes législatives permettant de réduire les délais inhérents à ce type d’investissement public.
Diversification des établissements pénitentiaires
Surtout, le plan de construction devrait reposer sur une forte diversification des établissements pénitentiaires. « Nous ne devons pas avoir un modèle unique de prisons », a prévenu la garde des sceaux devant la commission des lois du Sénat, jeudi 1er février. Selon Mme Belloubet, « la réponse doit être adaptée à la situation du détenu ». Des établissements hypersécurisés ne sont pas justifiés pour toutes les personnes condamnées à de l’emprisonnement.
Une analyse qui coïncide avec des préoccupations budgétaires : construire moins sécurisé et plus humain permet de construire plus vite et moins cher. Le symbole de cette nouvelle politique carcérale serait les prisons dites ouvertes. Sans barreaux aux fenêtres ni mirador et pourtant destinée à « écrouer » des personnes condamnées à une peine de prison ferme, elles ont pour contre-partie un retour à la case prison à la moindre incartade. Il en existe une seule en France, le « centre de détention » de Casabianda, en Corse, où les « détenus » sont notamment occupés à des formations agricoles dans les champs.
L’idée que reprend l’Elysée n’est pas nouvelle, mais elle s’était perdue avec l’obsession sécuritaire des gouvernements successifs. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la justice dit d’ouverture (car ex-socialiste) de Nicolas Sarkozy, avait annoncé en 2010 le développement de tels centres ouverts. Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux à cette période, y semblait favorable et disait vouloir rompre avec le « tout béton » des établissements « déshumanisés » du plan 13 000 lancé en 2002 par Dominique Perben. Mais rien n’a suivi.
Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale qui a lancé un travail approfondi sur les prisons, est allée avec cinq députés le 2 février à Copenhague pour examiner le modèle danois. L’affectation des condamnés dans des centres ouverts y est la règle. Mme Braun-Pivet aimerait faire de ces établissements atypiques la marque d’une nouvelle politique carcérale. Prudemment, elle estime que 10 % des détenus pourraient être placés « à terme » dans ces centres ouverts.
Soulager les maisons d’arrêt surpeuplées
Une grosse part des 15 000 places du plan pénitentiaire sera néanmoins consacrée à des établissements plus classiques. D’abord pour soulager les maisons d’arrêt, ces prisons réservées aux courtes peines et aux prévenus, qui sont surpeuplées. Ainsi, la prison de Villepinte (Seine-Saint-Denis), qui comptait au 1er janvier 1 007 détenus pour 583 places, devrait être doublée sur un terrain voisin par une nouvelle maison d’arrêt d’environ 600 places. 1 500 places dans des quartiers sécurisés et étanches sont également au programme pour prendre en charge les détenus radicalisés violents ou prosélytes, conformément à l’engagement pris par la chancellerie pour mettre fin au conflit des surveillants.
Les quartiers de préparation à la sortie devraient figurer en bonne place dans le plan Macron. A cet égard, le chef de l’Etat devrait annoncer un renfort significatif des effectifs des personnels d’insertion et de probation et une revalorisation des missions des surveillants dont l’avis sur les détenus serait davantage pris en compte en matière de permission de sortir ou dans les commissions d’application des peines qui décident de leur éventuelle réduction.
Emmanuel Macron veut montrer que son discours devant la Cour européenne des droits de l’homme prononcé le 31 octobre 2017 n’est pas sans lendemain. Il y avait évoqué les « niveaux insoutenables de surpopulation dans certains établissements » et la « statistique insupportable » du nombre de matelas au sol. Pour résoudre « l’insoutenable problème des prisons », il évoquait l’un des chantiers de la justice lancés par la garde des sceaux sur le sens de la peine. Avec l’idée que la prison ne doit pas s’imposer dans tous les cas.
Mais au-delà des modifications législatives et de la construction de prisons, « résoudre » le problème nécessitera une véritable révolution culturelle. Car les outils existant sont sous-utilisés. Le centre de Casabianda de 194 places ne compte que 129 « détenus », tandis que les 2 805 places des centres de semi-liberté (où les personnes ne passent que la nuit) ne sont occupées que par 1 616 personnes condamnées à une telle peine.
Retrouvez l’article en ligne sur le site lemonde.fr