Prisons : le Parlement rétablit l’encellulement individuel

Article d’Alain Salles, publié sur LeMonde.fr le 08 octobre 2009


Contre l’avis du gouvernement, le principe de l’encellulement individuel refait surface au Parlement. Les quatorze membres, députés et sénateurs, de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi pénitentiaire devraient revenir, mercredi 7 octobre dans l’après-midi, à une version du texte rétablissant l’encellulement individuel pour les prévenus en attente de jugement comme pour les condamnés. Tout en l’assortissant d’un nouveau moratoire de cinq ans.


La CMP revient ainsi à une version du texte proche de celle du Sénat, alors que les députés avaient remis en question ce principe pour les prévenus, le 15 septembre. Le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, le député (UMP) Jean-Paul Garraud s’est rangé à l’avis de son homologue au Sénat, Jean-René Lecerf (UMP).


Les sept sénateurs, toutes tendances confondues, sont favorables à l’encellulement individuel, tout comme les députés de l’opposition. Cette alliance donne une majorité aux partisans de l’encellulement individuel. Il ne peut être dérogé à ce principe que si les détenus en font la demande et s’il est préférable de ne pas les laisser seuls, notamment pour raisons médicales.


Au ministère de la justice, Rachida Dati puis Michèle Alliot-Marie ont essayé de rayer cette notion inscrite dans la loi française depuis 1875, mais jamais appliquée. Le gouvernement, comme l’administration pénitentiaire, préférait y substituer la notion d' »un détenu par place », en laissant le « libre choix » au prisonnier d’une cellule individuelle ou collective.


Dans l’entourage de Mme Alliot-Marie, on ne cache pas une certaine irritation : « Cela veut dire que les parlementaires vont voter quelque chose dont on sait très bien que ce n’est pas applicable », explique-t-on à la chancellerie.


« Pour la première fois dans notre histoire, les conditions sont réunies pour que nous parvenions à l’encellulement individuel, réplique M. Lecerf. Depuis plus d’un an, le nombre de détenus n’augmente pas, nous construisons de nouvelles places et le projet de loi prévoit le développement des aménagements de peine et des mesures alternatives à l’incarcération. »


Un autre aspect de la loi pénitentiaire devrait faire débat en CMP. Il porte sur la possibilité, pour les détenus condamnés à moins de cinq ans de prison, de bénéficier d’une sortie sous bracelet électronique quatre mois avant la fin de leur peine. Le débat porte sur le fait de savoir qui pourra prendre la décision de les libérer.


Le projet de loi confie cette responsabilité aux travailleurs sociaux des services pénitentiaires d’insertion et de probation, sous le contrôle du procureur et du juge d’application des peines.


Les deux rapporteurs du texte sont favorables à confier la décision de placement sous bracelet au seul procureur, qui en fixerait les obligations (heures de présence au domicile, interdiction de fréquenter des lieux ou des personnes, etc.). Si le procureur ne prend pas cette décision, le détenu peut saisir un juge d’application des peines. L’objectif des rapporteurs est de confier la décision de libération et les modalités d’exécution à un magistrat et non à l’administration pénitentiaire.


Les sénateurs et députés voteront le texte adopté en CMP le 12 octobre. Le gouvernement peut y ajouter des amendements, avant le vote définitif. Compte tenu de la composition de la CMP et de l’alliance objective entre sénateurs UMP et membres de l’opposition sur certains points, d’autres surprises sont possibles.


source : LeMonde.fr
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