Prisons : le ministère de la justice va installer un téléphone dans chaque cellule

Les détenus pourront appeler les numéros que l’administration ou un juge auront autorisés.

LE MONDE |   • Mis à jour le  | Par  Jean-Baptiste Jacquin

C’est une véritable révolution qui se prépare dans le monde carcéral. Le ministère de la justice a lancé un important appel d’offres afin d’installer des téléphones dans les cellules de l’ensemble des prisons françaises, hors quartiers disciplinaires. Plus de 50 000 cellules de 178 établissements pénitentiaires devraient ainsi être équipées progressivement au cours des prochaines années d’un appareil qui permettra aux détenus (condamnés ou prévenus) d’appeler les numéros que l’administration ou un juge auront autorisés.

L’expérience menée depuis juillet 2016 à la prison de Montmédy (Meuse) va ainsi être généralisée. Dans cet établissement, qui comptait, au 1er décembre 2017, 296 détenus (pour 343 places), ces derniers peuvent appeler à n’importe quelle heure du jour et de la nuit les membres de leur famille pour un coût inférieur de 20 % au tarif pratiqué par les cabines placées dans les coursives auxquelles ils n’ont accès qu’au compte-gouttes. En moyenne, ils peuvent composer quatre numéros dont les titulaires doivent être identifiés.

Dans les prisons surpeuplées, les détenus n’ont parfois même plus accès aux cabines, faute de temps et de surveillants pour les accompagner. Surtout, elles ne sont en principe accessibles que quelques heures par jour, et dans des plages horaires où les enfants sont à l’école et les conjoints au travail.

Les trafics de portables, un véritable fléau

Pour le ministère de la justice, il s’agit à la fois de favoriser le maintien des liens familiaux, considéré comme un facteur essentiel de réinsertion, et de désamorcer l’une des principales sources d’incidents en prison, à savoir les trafics de téléphones portables ; un véritable fléau devenu une routine. Ainsi, Jean-Baptiste K. traduit en commission de discipline à Fleury-Mérogis le 13 décembre 2017, s’était fait saisir un téléphone lors d’une fouille le 26 octobre… et s’en était déjà procuré un autre avant une autre fouille de sa cellule le 17 novembre.

Quelque 33 000 téléphones et accessoires (cartes SIM, chargeurs, etc.) ont été saisis en 2016, tandis que les surveillants ferment parfois les yeux sur cette violation de la loi pour apaiser les tensions. A Montmédy, malgré l’installation de téléphones en cellule, les trafics de portables n’ont pas disparu. Mais les saisies ont baissé de 31 % au premier semestre 2017 par rapport aux six premiers mois de 2016.

Le rythme auquel le parc pénitentiaire sera équipé et le niveau des tarifs dépendront de l’entreprise qui sera choisie à la suite de l’appel d’offres. Car ce marché est en forme de concession : l’entreprise financera l’intégralité de l’investissement et elle se rémunérera par le prix des communications payées par les détenus. Celles qui concourent doivent déposer leurs offres à l’administration pénitentiaire dans les prochains jours. Le contrat devrait être signé en avril ou en mai, et les premiers établissements pourraient être équipés avant la fin de l’année.

L’installation aura aussi un avantage pour le renseignement pénitentiaire, en plein développement : elle facilitera l’écoute des détenus surveillés.

Les smartphones représentent une menace

Le combat contre les portables ne va pas s’arrêter avec l’arrivée du fixe en cellule. D’abord parce qu’ils ne servent pas qu’à appeler la famille ; ils peuvent permettre d’entretenir des liens avec des réseaux délinquants ou criminels.

Mais également en raison des risques que représentent les nouveaux usages. Les smartphones, pourtant moins miniaturisés que les simples téléphones GSM, sont de moins en moins rares derrière les barreaux. Ils représentent une menace alors qu’ils peuvent prendre en photo ou filmer des personnels ou des éléments de sécurité.

L’administration pénitentiaire a donc changé de stratégie. Au lieu d’acheter des brouilleurs, que l’évolution technologique rend rapidement obsolètes, elle vient de conclure un marché de services. Le prestataire assure le brouillage et adapte son dispositif au fil des ans. La division D1 de la maison d’arrêt de Fresnes devrait être équipée de ce nouveau dispositif dès le premier trimestre.

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