Le président de la fondation Prison Art, Jorge Cueto, le 14 juin 2016 à México.
Photo : AFP/VNA/CVN
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Dans la prison mixte de Tulancingo de Bravo, dans l’État d’Hidalgo (centre), l’une des plus insalubres et surpeuplées du pays, il fait partie de la vingtaine de détenus qui participent au programme de réhabilitation par le travail « Prison Art ».
Au côté de ses collègues, basés dans la modeste bibliothèque du centre pénitentiaire, David apporte les dernière retouches à sa tête de mort traditionnelle (« calaca« ) avec une machine à tatouer artisanale.
Elle est composée d’un stylo bille, d’une aiguille et d’une batterie de téléphone pour l’alimenter. Ces appareils de fortune, généralement utilisés par les détenus pour se décorer la peau, au prix de graves infections, ont ici une seconde vie.
Bientôt, ces motifs orneront sacs et autres articles en cuir vendus plusieurs centaines de dollars dans les quartiers huppés de México ou dans les villes touristiques de San Miguel de Allende ou de Playa del Carmen.
« Avec ça, la journée se fait un peu plus courte. Je ne vois même pas l’heure qu’il est. Je prends le petit-déjeuner, je mange et le reste de la journée, je suis plongé là-dedans« , assure Ezequiel Pérez, un jeune homme grand et sec de 24 ans, enfermé après un double homicide.
Peu importe le crime commis, le sexe ou l’âge. Les seules conditions pour participer à « Prison Art », projet lancé par une fondation privée : ne pas consommer de drogues, suivre une thérapie de désintoxication et verser la moitié de son salaire à sa famille.
Ouverture prochaine à Ibiza ?
Détail d’un sac exposé au magazin Prison Art de México, le 14 juin 2016.
Photo : AFP/VNA/CVN
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Avec un salaire qui peut atteindre les 400 dollars par mois, ce travail est bien plus rémunérateur que la vente des objets fabriqués à la va-vite dans les ateliers de menuiserie ou d’artisanat de ce centre de détention, qui compte 550 prisonniers.
Pour se procurer du savon, du dentifrice ou du papier toilette, avoir de l’argent est indispensable pour ces condamnés, dont les proches ont souvent des moyens limités.
« Souvent, ma famille ne peut pas m’aider. C’est une source de revenus« , explique dans un espagnol sommaire Leonor Reyes, une brodeuse indigène de 48 ans, mère de six enfants accusée de vol de bijoux.
Des prisonniers travaillent dans la prison de Tulancingo, le 29 juin 2016.
Photo : AFP/VNA/CVN
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Outre le salaire, versé que les pièces en cuir soient utilisées pour les sacs ou pas, les participants sont motivés par la perspective d’un travail à la sortie, ce que prévoit également « Prison Art ».
« Ce n’est pas que les prisons au Mexique soient des universités du crime, c’est la société elle-même qui limite les opportunités des jeunes qui sortent, qui fait en sorte qu’ils commettent de nouveaux délits« , estime Jorge Cueto, qui a imaginé cette initiative lorsqu’il était lui-même derrière les barreaux.
En 2012, ce Mexicain a passé 11 mois en prison pour fraude, avant d’être innocenté.
Après 2 ans et demi d’existence, « Prison Art » est déjà présent dans six prisons mexicaines et a donné du travail à 240 détenus et ex-détenus.
Mais le succès ne se limite pas aux centres pénitentiaires. Après les boutiques de luxe au Mexique, Jorge Cueto espère ouvrir prochainement des magasins aux États-Unis, à Londres ou Ibiza.
Acheter ces produits, « c’est une option pour ceux qui veulent aider (les prisonniers). L’idée, c’est d’avoir des produits d’une qualité telle, qu’ils suscitent le désir« , explique-t-il.