Article de Alain Salles, paru sur LeMonde.fr, publié le 07 décembre 2009
Jean-Louis Debré prend l’habitude de mettre les pieds dans le plat de la réforme de la procédure pénale. Il a apporté, vendredi 4 décembre, un clair soutien aux avocats qui réclament une plus grande présence de la défense en garde à vue. Invité de la rentrée du barreau de Paris, le président du Conseil constitutionnel s’est attiré les applaudissements en rappelant qu’il n’y avait pour lui « point de sécurité sans la présence d’un avocat ».
L’ordre des avocats de Paris lance un appel, lundi 7 décembre, à « tous les intervenants de la société civile et politique » pour que « la garde à vue soit réformée en profondeur », et que l’avocat soit « présent tout au long de sa durée et assiste aux interrogatoires ».
Jean-Louis Debré, ancien juge d’instruction et ministre de l’intérieur, s’est fait l’avocat des avocats. Il a délivré une leçon d’histoire constitutionnelle en se référant aux délibérations du Conseil lors de l’examen de la loi sécurité et liberté, en janvier 1981. Quand la discussion a porté sur la garde à vue, le doyen Georges Vedel avait alors expliqué : « La garde à vue viole les droits de la défense, car elle permet qu’un suspect soit interrogé sans l’assistance d’un avocat. » Tonnerre d’applaudissements dans la salle du Théâtre du Châtelet, où se déroulait la scène. « Je suis astreint au devoir de réserve », a indiqué M. Debré, avant d’ajouter, avec un brin de cabotinage : « J’ai beaucoup d’admiration pour le doyen Vedel. »
Jean-Louis Debré est un récidiviste, bientôt passible des peines plancher que le Conseil constitutionnel a validées. En octobre, il s’était publiquement interrogé sur l’opportunité de supprimer le juge d’instruction, et la nécessité, le cas échéant, de conférer plus d’indépendance au parquet.
Depuis quelques semaines, les avocats s’appuient sur des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour contester le fait que l’avocat ne peut aujourd’hui assister son client en garde à vue. Ils ont remporté une première victoire à Bobigny, le 30 novembre, quand un juge des libertés et de la détention a déclaré nulle une garde à vue au motif que la personne arrêtée « n’a pu bénéficier de l’assistance d’un avocat durant son interrogatoire, ni même avant toute audition, ou encore en début de garde à vue ».
En réponse, la ministre de la justice et des libertés, Michèle Alliot-Marie, rendant à son tour hommage à son maître, le doyen Vedel, a invité les avocats à ne pas faire dire aux décisions de la CEDH « plus qu’elles n’exigent ». La chancellerie a cependant diffusé un « argumentaire sur l’absence de l’avocat en garde à vue », dans laquelle elle reconnaît que « des déclarations recueillies au cours d’une garde à vue ne pourraient fonder à elles seules une condamnation pénale ».
La ministre de la justice et des libertés affirme que « les avocats seront associés à la concertation » sur la réforme de la garde à vue qui sera dévoilée en janvier 2010. « Je suis prête à les écouter », a promis Mme Alliot-Marie