Article de Laurence de Charette, publié sur leFigaro.fr le 16 octobre 2009
Ilke a étendu son long corps de près de 2 mètres sur son matelas et enregistre le nom, et le numéro de passeport de son prochain «invité» sur l’écran tactile fixé au pied du lit . Le jeune homme aux cheveux longs frotte à nouveau son bracelet électronique sur le côté de l’appareil pour s’identifier, et consulte son crédit téléphone : 17 euros. Il a bien touché son «bonus» de la semaine dernière et va pouvoir appeler sa famille. À l’écran, il tape cette fois sur la touche planning, et apparaît son programme de la journée. En attendant la reprise de sa formation, à 14 h 30, il change une nouvelle fois de menu, optant pour la télévision… Cette scène aux accents futuristes se déroule… dans une prison.
La carotte et le bâton
Ilke est un détenu en fin de peine, il lui reste moins de quatre mois d’incarcération, ce qui lui vaut ce placement dans cette unité expérimentale de l’établissement pénitentiaire de Lelystad, près d’Amsterdam, aux Pays-Bas. Ce programme, qu’est venu étudier mercredi le secrétaire d’État à la Justice, Jean-Marie Bockel, décidé à contribuer à l’élaboration du prochain plan de construction d’établissements en France, vise à responsabiliser les condamnés tout autant qu’à faire des économies. De grandes cellules équipées d’un coin cuisine et de douches, hébergent pas moins de six détenus ensemble. L’unité ne compte que six surveillants, pour quelque 150 condamnés. Car la technologie est aux commandes.
Le bâtiment a été construit en demi-lune, et le QG des surveillants, entièrement vitré, implanté au centre, de façon à ce que les agents pénitentiaires, depuis leur poste, aient une vision sur la quasi-totalité des zones. Celles qui échappent à ce spectre sont filmées en permanence. Toujours sans bouger, les surveillants peuvent également localiser l’ensemble des hommes placés sous leur responsabilité. Au poignet de chaque détenu a été fixé un bracelet électronique de la taille d’une grosse montre, qui permet de suivre sur écran l’ensemble des déplacements dans la prison. Une alerte s’allume lorsque l’un d’eux ne se trouve pas là où il devrait à l’heure dite – en formation, en salle de sport, dans sa cellule, etc. Par petits groupes, les détenus circulent, en apparence librement, mais en réalité sous haute surveillance électronique.
Même à l’intérieur des cellules, la technologie veille. Pas question de caméras cette fois, mais un micro prend le relais. Il n’enregistre pas les conversations, mais détecte les pics d’agressivité. «Quand la tension monte, on ne s’exprime pas sur la même fréquence», explique l’un des responsables de l’établissement.
Le système fonctionne à la fois avec la carotte et le bâton. Au deuxième incident, le détenu risque de retourner en régime de détention «classique» et de voir sa peine prolongée. A contrario, un prisonnier qui satisfait à toutes ses obligations se voit attribuer en fin de semaine un bonus sous forme de crédit téléphone, ou de droit de parloir supplémentaire. Les surveillants assurent recenser «moins de 5 incidents par mois».