Article paru sur LeMonde.fr le 20 juillet 2011
Le tribunal administratif de Versailles a condamné l’Etat à indemniser deux détenus des maisons d’arrêt de Nanterre (Hauts-de-Seine) et de Bois-d’Arcy (Yvelines), selon une décision rendue publique lundi 18 juillet par l’avocat de deux détenus mais remontant au 8 juillet.
Dans chacun des deux établissements, des experts ont relevé que le système de ventilation ne fonctionnait pas lors de leur visite en mai 2010 et ont même constaté qu’à Bois-d’Arcy, il était hors service quasiment depuis la mise en activité de la maison d’arrêt. D’autre part, à Bois-d’Arcy, le réduit des toilettes « n’est pas entièrement cloisonné » et il n’y a pas d’eau chaude au lavabo des cellules, tandis que les cellules de Nanterre, censées mesurer 9,5 m2, n’en font que 9.
C’est la troisième fois en quelques semaines que l’Etat français est condamné pour le mauvais état de ses prisons.
Fin juin, l’Etat avait été condamné à payer des dommages et intérêts à deux détenus des Baumettes à Marseille, en raison de conditions portant atteinte à leur « dignité ». L’hygiène très sommaire des locaux était pointée dans un cas, l’impossibilité de se déplacer en fauteuil roulant dans l’autre.
Dans la même période, l’Etat était de nouveau condamné à Rouen à indemniser 62 personnes incarcérées, ou l’ayant été, dans la prison de la ville, reconnue comme vétuste par l’adminstration pénitentiaire et vouée à la fermeture. Plusieurs autres condamnations ont été prononcées à Rouen depuis 2008, visant toutes cette vieille prison appelée « Bonne Nouvelle ».
La nouvelle condamnation ne concerne pas des prisons très anciennes : les maisons d’arrêt de Bois-d’Arcy et Nanterre sont en service depuis 20 ou 25 ans. Ce qui, selon l’avocat des deux détenus, Me Fabien Arakélian, « apporte la démonstration qu’il faut saisir la justice pour pousser l’Etat à se conformer aux exigences européennes car la France reste une mauvaise élève ».
Selon l’Observatoire international des prisons (OIP), d’autres actions contre l’Etat sont en instance ou en préparation et pourraient concerner une dizaine d’autres établissements. « L’objectif numéro un est de restaurer les personnes détenues dans leur dignité », a déclaré à l’AFP Me Etienne Noël, administrateur de la section française de l’OIP.
Le ministère de la justice ne commentait pas lundi ces décisions de justice « en cours d’analyse », tout en se réservant le droit de faire appel, a précisé son porte-parole, Bruno Badré. Il renvoie par ailleurs au nouveau programme immobilier pénitentiaire rendu public début mai par le ministre, Michel Mercier, qui prévoit notamment la construction de 25 nouveaux établissements et la rénovation de 15 autres, parallèlement à la fermeture de 36 prisons vétustes, dont l’état ne permet pas d’envisager une rénovation.
« Bien sûr il faut construire des prisons pour remplacer les vieilles, mais il ne faut pas en profiter pour faire des monstres », a commenté Me Noël. « Il faut faire des petites prisons et ne pas s’obliger à les remplir ».