15 mars 2016, par MICHAËL HAJDENBERG
La justice manque de tout : d’effectifs, de place, de stylos bleus, de temps… Une telle pauvreté rend impossible le quotidien des magistrats. Mais elle a également des répercussions concrètes sur la vie des justiciables. Six magistrats racontent comment l’indigence engendre l’injustice.
L’État est sur le banc des accusés. Et même le meilleur des avocats aurait du mal à justifier sa conduite (voir le compte-rendu du procès fictif qui lui a été intenté ce lundi à Créteil). Partout en France, dans toutes les juridictions, les moyens manquent. Depuis des années, les témoignages affluent sur cet exercice impossible. À titre d’exemple, un juge palois nous a raconté qu’une audience de comparutions immédiates avait dû s’achever il y a quelques semaines à la lumière du téléphone portable du président, la dernière ampoule de la salle ayant rendu l’âme.
Parfois, la situation d’un tribunal émerge, comme récemment, à Bobigny. Ou celle d’une juridiction, comme les conseils des prud’hommes. Mais quelques annonces de moyens alloués, pas toujours suivies d’effets, n’y changent rien : faute d’effectifs, les magistrats sont sur les genoux. Et la justice, à terre.
Cet état d’indigence a d’abord des conséquences pour les justiciables. Les délais d’attente déraisonnables peuvent engendrer des condamnations de la part des tribunaux européens. Ils peuvent surtout générer des situations inhumaines.
Afin de mesurer concrètement cette réalité, nous avons demandé à six magistrats, à des postes très différents, dans des endroits disparates, de nous raconter une situation à laquelle ils avaient été confrontés récemment. Et pour laquelle le manque de moyens avait eu des répercussions palpables. Voici leurs récits.
Juge des enfants à Bobigny
En 2013, je reprends le cabinet d’un juge pour enfants qui était vacant c’est-à-dire sans juge et sans greffier depuis six mois. Dans le tas de dossiers et de courriers, il y a une requête du procureur, qui concerne un couple en instance de séparation. Les relations dans le couple sont violentes et les enfants sont au cœur de ces conflits.
La saisine du juge des enfants se base sur un signalement de l’ASE (Aide sociale à l’enfance) qui date de 2012, et j’apprendrai plus tard que le juge aux affaires familiales est lui aussi saisi depuis cette même année en vue de cette séparation, mais que les parents sont alors en attente d’une audience. J’envoie donc une première convocation fin 2013. Personne ne vient à l’audience : visiblement, la famille a déménagé entre-temps. Je demande au commissariat de faire des recherches et six semaines plus tard, je peux envoyer une nouvelle convocation.
Les quatre enfants ont alors 3, 5, 12 et 13 ans. Les premiers éléments que je recueille ne sont pas très précis. Je comprends que les parents se battent, que les enfants s’interposent, mais je m’interroge : faut-il préconiser une simple médiation parentale ? Ou y a-t-il une véritable carence dans l’éducation des enfants ? Je manque d’informations sur leur état de santé.
J’ordonne donc une mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) : ce sont des services éducatifs composés d’une équipe pluridisciplinaire (éducateurs, psy, etc.) qui ont six mois pour dresser un état des lieux, en prenant le temps de s’entretenir avec les parents, les enfants et en contactant les écoles le cas échéant.
Seulement, six mois plus tard, j’apprends que la mission n’a pas commencé : les services ont juste une liste d’attente trop longue. Ils m’annoncent qu’ils pourront commencer deux mois plus tard. Je n’ai pas le choix : j’ordonne de nouveau la même mesure avec le même service afin d’éviter de nouveaux délais d’attente.
En janvier 2015, j’apprends que les services ne peuvent pas mener l’enquête comme ils l’entendent : les parents n’ouvrent pas la porte. Quant à l’école, elle signale un fort absentéisme qui fait conclure aux services chargés de l’investigation éducative que les « inquiétudes sont renforcées ». Je convoque de nouveau la famille. Personne ne vient.
Mais un jour, alors que je suis de permanence, l’aîné de la famille est déféré devant moi. Il n’a même pas 14 ans. Il sort de garde à vue, pour un rôle de guetteur dans un trafic de stupéfiants. Grâce à cette mise en examen, j’ai accès à la famille. La mère est dépassée et demande de l’aide. Le père ne vient pas à l’audience. J’ordonne une expertise psychologique pour la mère. Son mal-être est visible, l’impératif est de s’en occuper vite.
Mais le premier expert me répond qu’il ne peut pas, qu’il a trop de travail. Et je renonce. Car je sais que je n’en trouverai pas de disponible. Quant au fils, je comprends qu’il trouve dans la rue les repères qu’il n’a pas chez lui. Il ne fait pas ça pour l’argent – c’est une somme dérisoire qu’il récupère en faisant le guetteur – mais pour avoir une place dans une bande, une place quelque part, un rôle. Je n’attends pas le résultat de la mesure d’investigation. J’ordonne directement un suivi éducatif à long terme pour toute la fratrie : une mesure éducative en milieu ouvert (AEMO) et un suivi pénal particulier pour l’aîné.
Une nouvelle fois cependant, cette AEMO ne peut pas commencer tout de suite, faute de moyens et de forces disponibles. Elle débutera six mois plus tard, en mai 2015. Entre-temps évidemment, la situation s’est encore aggravée et les parents attendent toujours une décision du juge aux affaires familial. Le père boit. La famille vit dans la plus grande misère affective, les parents s’aiment sans s’aimer et vivent ensemble faute de savoir comment se séparer.
Quand le travail de l’AEMO aboutit enfin, on me dit que l’enfant de maintenant 5 ans doit être placé dans un établissement adapté. Il cumule des retards dans le langage, des problèmes d’hygiène et des comportements colériques inquiétants. Ces handicaps repérés, on recherche un lieu d’accueil pour un placement direct en établissement qui serait adapté. Aucune place n’est libre, même en accueil de jour.
Les services de l’aide sociale à l’enfance sont sollicités mais ne peuvent accueillir l’enfant que dans le cadre de l’urgence, ce qui ne me satisfait pas. Ce placement doit se préparer. Un enfant est toujours attaché à ses parents, quel que soit leur comportement. Et il faut aussi préparer les parents.
Mais on manque de places, de structures, et tandis qu’on cherche désespérément, l’enfant décompense psychologiquement, il faut l’hospitaliser en pédo-psychiatrie. Quinze jours plus tard, il rentrera chez lui, sans traitement, sans suivi.
La mère quitte alors le domicile familial. Le père rentre du travail alcoolisé. En pleine nuit, l’aîné décide d’emmener ses frères et sœurs au commissariat pour dire que ce n’est plus tenable. C’est la nuit, le parquet décide de les placer dans des structures d’urgence, sans droit de visite des parents.
Comme la loi l’exige, je convoque toute la famille quinze jours plus tard. Les enfants sont présents avec les services éducatifs à l’exception du frère aîné qui a fugué le soir même de son placement. On en sait pas où il est. Le père ne vient pas. La mère non plus. J’apprends qu’elle est hospitalisée en psychiatrie. Je maintiens le placement des enfants et demande au parquet de lancer une enquête pour disparition inquiétante du frère aîné. J’accorde aux parents un droit de visite en présence d’un tiers. Seulement, en Seine-Saint-Denis, ces lieux-là manquent aussi : il est arrivé qu’une mère ne puisse pas voir son nourrisson pendant un mois car on ne trouve pas de lieu d’accueil.
Aujourd’hui, on en est là. L’aîné n’a pas été retrouvé. Pour moi, son acte de délinquance était une alerte. Il est aujourd’hui en errance car depuis le début, nous n’avons pas eu les moyens d’apporter de réponses adaptées. On est allé d’impasse en impasse dans la prise en charge, c’est souvent comme ça qu’on en vient à connaitre des enfants qui commettent des infractions. C’est comme ça que des jeunes risquent de devenir des bombes, dont l’État est à mon sens, responsable.
Avec des moyens, on aurait vu la famille plus tôt, avant qu’elle ne déménage. Les éducateurs auraient été alertés bien avant et on aurait adapté la prise en charge qui doit être dans beaucoup de situations d’une grande proximité, ce qui est trop rarement possible à l’heure actuelle. La situation aurait été prise en charge, elle ne se serait pas aggravée de la sorte. Vous vous rendez compte que le signalement date de 2012 ? Trois ans dans la vie d’un enfant, c’est énorme. C’est grave. Et pourtant, je peux vous dire que dans mes dossiers, c’est une situation qui n’est pas du tout exceptionnelle. J’ai parfois beaucoup plus grave.
Ancien juge des tutelles à Nice
À cette époque, j’avais 2 900 dossiers de tutelles en cours. Les tutelles, c’est souvent le cadet des soucis de la justice. Ce n’est pas la vitrine. On se retrouve pourtant à devoir gérer des cas très sensibles, qui nécessitent une intervention judiciaire en urgence. On fait face à des personnes âgées qui se trouvent aux confins de la maladie mentale et des pathologies neurodégénératives. Fréquemment, elles flambent, claquent les économies de toute une vie en faisant des chèques à des associations caritatives ou en se faisant arnaquer par des gens qui leur proposent de changer leurs fenêtres, leur matelas, etc. : vous n’avez pas idée du nombre de vautours qui tournent autour des personnes âgées, du nombre d’escrocs qui se goinfrent sur le manque de moyens de la justice.
Et vous, vous lisez le dossier deux mois après le dépôt de la requête, deux mois trop tard, deux mois pendant lesquels les comptes ont été ponctionnés. L’argent, on ne le revoit plus. La personne ne pourra plus payer sa maison de retraite ou vivre une fin de vie acceptable. C’est terrible : on est le seul rempart, mais il faut courir avec des blocs de ciment aux pieds.
Je repense à une femme qui avait choisi de dormir dans son garage réaménagé avec du papier aluminium au mur : elle se croyait hyper sensible aux ondes depuis son enlèvement par les Martiens. Elle avait refusé des soins mais était atteinte d’une pneumopathie. C’était une ancienne professeur de philosophie âgée de 65 ans, venue d’Allemagne pour rejoindre sa fille. Mais la fille avait également des problèmes psychologiques, en tout cas ce n’était pas une personne ressource.
Il me semblait décemment impossible d’attendre les six mois malheureusement habituels pour obtenir la tutelle. Six mois, c’était un hiver à passer, dans ce garage glacé où elle abritait des SDF du quartier. Faute de pouvoir la faire venir au tribunal, un soir, trois ou quatre semaines après la requête et face à l’urgence de la situation, je décide de me rendre sur place à scooter, sans greffier, au mépris du code de procédure civile. Cette femme a une fille, adepte du yoga, de la médecine douce, qui passe complètement à côté de la gravité de la situation.
Mais comment faire ? Normalement, on peut entendre jusqu’à 12 dossiers en une demi-journée. Un dossier, ce n’est pas une personne, c’est une famille, avec plusieurs enfants, plusieurs points de vue. À l’époque, notamment en 2013, j’étais parfois contraint de fixer 16 à 18 dossiers. Vu notre utilité sociale, on est obligés. Grâce à nous, une personne va de nouveau s’habiller, se soigner, être placée en institution, sortir de l’hôpital, etc. Grâce à une association tutélaire, on va pouvoir la placer dans une maison de retraite, dans des conditions dignes. Je supplie donc ma greffière. Elle accepte un énième dossier. Mais moi je me dis : pendant que j’ai les yeux rivés sur cette situation, pendant que je la place en haut du haut de la pile, combien d’autres situations dramatiques s’empilent ?
Je sais que le lendemain, je verrai une autre famille, qui me suppliera : « Papa erre la nuit, il hurle, s’il vous plaît, retirez-lui au moins son chéquier : il se croit sous Pompidou, il pense qu’il paye en anciens francs. » Et moi je répondrai : « Je vous fais une fleur, je vous mets en haut de la pile, vous aurez une tutelle d’ici trois mois… »
Juge d’application des peines d’une juridiction du Pas-de-Calais
Je suis en charge du suivi d’un homme de 45 ans qui est sorti de prison après 15 ans de détention. Il avait été condamné à 20 ans pour des viols sur des enfants. Avant cela, il avait déjà été condamné pour des faits de proxénétisme : il débauchait des mineurs pour les prostituer dans les caves de logements sociaux, à Calais, pour se faire un peu d’argent.
Il est quasi analphabète, assez rustre. Il a été placé sous surveillance avec un bracelet électronique mobile.Trois juges d’application des peines ont considéré qu’il présentait un profil dangereux. Avec ce bracelet GPS, on sait en permanence où il est. Il lui est interdit d’approcher différentes zones : les écoles, les crèches, les centres aérés, ainsi que la ville de Calais, où il a sévi. Il a également des horaires d’assignation. On est maîtres de ses déplacements, ce qui a été hautement recommandé par les experts-psys qui l’ont entendu.
Le bracelet est imposé pour deux ans, mais il est renouvelable, jusqu’à la fin du suivi socio-judiciaire prévu pour durer dix ans. Seulement, pour obtenir le renouvellement, je dois avoir deux expertises sur sa dangerosité. L’une d’un psychiatre, l’autre d’un psychologue.
Or les experts sont très fâchés, on en trouve de plus en plus difficilement. Ils étaient déjà très mal payés, et avec beaucoup de retard : mais voilà qu’ils se sont vu imposer un nouveau statut : ils ne sont plus considérés comme des collaborateurs occasionnels d’un service public, mais comme des travailleurs indépendants. C’est l’indigence de la justice qui a conduit à cette réforme.
Beaucoup ne veulent plus travailler. Cela fait trois mois que je cherche : je ne trouve pas d’expert psychiatrique et si je n’en ai pas, je ne pourrai pas renouveler le bracelet en dépit de la dangerosité manifeste d’un individu qui est passé à l’acte à plusieurs reprises. Le renouvellement doit se faire impérativement six mois avant l’échéance.
Le 21 avril, il sera donc trop tard. Ma greffière et moi-même perdons un temps fou à faire le siège des quelques experts qui restent, complètement débordés. Il est pourtant inconcevable qu’il soit remis en liberté pure et simple.
Juge d’application des peines en Franche-Comté
Il y aurait beaucoup à dire, mais je vais vous raconter une petite histoire récente, qui me semble significative. Deux personnes étaient placées en sursis avec mise à l’épreuve depuis un peu moins de deux ans. La peine avait été prononcée avant le 1er octobre 2014. Avant cette date, il était nécessaire de demander au juge d’application des peines une autorisation pour partir à l’étranger. Cette obligation était inscrite au fichier des personnes recherchées. Cette obligation a été levée par la réforme de 2014 : il suffit à présent d’informer le juge d’application des peines.
Seulement, on n’a eu ni le temps ni les moyens humains de retirer du fichier les personnes concernées : dans notre petite juridiction, il y a environ 500 mesures de ce type en cours.
Mi-janvier, deux personnes se présentent au tribunal. À ce moment-là, il n’y avait pas de greffier auprès du JAP (juge d’application des peines) : le poste était vacant. Quand elles arrivent, je suis moi-même affairé ailleurs, je ne suis pas seulement juge d’application des peines. Les deux hommes avaient voulu partir en Thaïlande, ils avaient été bloqués à l’aéroport car leur nom figurait sur le fichier. La gendarmerie, puis le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de prévention) les ont renvoyés vers le tribunal, où ils ont patienté un long moment avec l’espoir de quand même partir en vacances.
J’ai fini par trouver un greffier, mais qui n’était pas spécialiste de l’application des peines. Moi-même, des gens m’attendaient pour divorcer, je n’ai pas pu prendre le temps de lui expliquer : il ne connaissait pas les règles en vigueur. Alors que les deux jeunes gens avaient tous les justificatifs nécessaires, le greffier leur a dit que le juge délibérerait sur la demande et qu’ils devaient attendre.
Ces gens-là ont perdu leur billet, leur argent, et beaucoup de temps. Cela arrivera à d’autres. Nous n’avons pas envoyé les 500 courriers nécessaires. Nous n’avons eu ni le temps ni les moyens de le faire. Et nous payons le manque d’effectifs : sur 38 fonctionnaires au greffe, il en manque 12.
Juge d’instruction dans l’est de la France
Toute l’institution est à bout de souffle. Tous les jours, on bricole. Je voudrais vous parler d’un dossier que je suis actuellement. Il a été ouvert en septembre, et concerne un mineur âgé de 16 ans, mêlé à une affaire de stupéfiants. C’est une affaire compliquée, qui nécessite des investigations poussées.
Dans le contrôle judiciaire, il a été décidé d’éloigner le mineur de son milieu. Il a été placé dans une famille d’accueil. Seulement, sa mère n’adhère pas du tout à cette mesure.
Six mois après mes demandes d’expertise, où en sommes-nous ? La commission rogatoire n’est pas rentrée. L’expertise psychologique de personnalité est en retard. Idem pour l’analyse des produits stupéfiants envoyée au laboratoire. Et nous n’avons pas de retour pour l’analyse génétique qui doit permettre de retrouver la trace ADN identifiant les personnes ayant été en contact avec les bombonnes de cocaïne, afin de retrouver les fournisseurs.
J’aurais pu demander à un expert privé. Mais l’INPS (Institut national de police scientifique) est moins cher. Et il faut bien limiter les frais de justice. À l’INPS, ils font ce qu’ils peuvent, ils sont débordés.
En attendant, la mère, qui n’adhère pas au placement dans une famille d’accueil, pousse son fils à faire péter le placement. On fait face à un fort risque de fugue. Le travail éducatif de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) risque d’être réduit à néant.
Le placement, renouvelable une fois, a été prolongé pour six mois. La commission rogatoire n’est toujours pas rentrée alors que normalement, ce devrait être une affaire de trois mois et les expertises, de quatre mois. Tout devrait être bouclé depuis janvier.
Si tout n’est pas réglé avant le nouveau délai de six mois, le mineur reviendra dans son milieu d’origine. Et tout cela n’aura servi à rien. Il n’y a plus qu’à espérer que les investigations aient avancé d’ici-là.
Juge d’instruction au Havre
En 2010, Vanessa porte plainte pour agression sexuelle. L’auteur désigné se nomme Benoît, et il aurait agi alors qu’il avait entre 16 et 19 ans. Après une enquête préliminaire, une information judiciaire est ouverte.
Cela traîne : on ne trouve pas d’expert psychiatrique pour le mis en cause, ni d’expert psychologique pour Vanessa. Au final, on perd quasiment un an et demi sur ces soucis d’expertise.
Pour Vanessa, c’est un parcours du combattant. Mais c’est d’autant plus compliqué que Benoît va être jugé deux fois. Une fois pour les actes qu’il a commis quand il était mineur, avant ses 18 ans. Des faits pour lesquels il est jugé en décembre 2015. Il a alors 23 ans, et est jugé avec sa barbe, il est père de famille.
Auparavant, il a été jugé pour les faits commis quand il était majeur en novembre 2014. Il aura fallu plus de 5 ans pour une réponse judiciaire.
Les délais s’expliquent également par d’autres causes, comme la gestion des ressources humaines de la chancellerie. Il n’y a aucune anticipation, ni des retraites, ni des mutations. Le juge d’instruction est parti dans cette affaire. Son remplacement a été un problème.
Ensuite, à l’instruction, il y a les priorités : les dossiers avec détenus, puis la criminalité organisée. L’agression sexuelle ne fait pas partie des priorités.
Tout cela en plus de la question des experts psychiatres, qui fait que les dossiers prennent de l’âge. Quand je suivais ma formation de magistrat, on me disait qu’un bon juge d’instruction était celui qui choisissait bien ses experts. Cela fait bien longtemps qu’on ne les choisit plus.
Vanessa a tenu bon pour le premier procès. Mais elle n’a pas compris pourquoi il y en avait deux pour des actes qui lui semblaient identiques. D’autant que l’ordre chronologique n’a pas été respecté : Bruno a été jugé sur ses actes de majeur, avant d’être jugé pour ses actes de mineur.
Lasse, elle ne s’est pas présentée devant le tribunal pour enfants. Elle ne s’y est pas non plus fait représenter. Comme elle, beaucoup de plaignants se lassent. Et ne se présentent même plus à l’audience. La justice perd son sens.