Article de Delphine Chayet, publié sur LeFigaro.fr le 08 octobre 2009
Pas plus grand qu’une montre en plastique, le bracelet électronique tient les maris violents à distance. Après l’Espagne, la France s’apprête à se doter de ce système avant-gardiste visant à protéger les victimes de mauvais traitements conjugaux. La secrétaire d’État à la Famille et à la Solidarité Nadine Morano doit annoncer mercredi matin sa volonté d’expérimenter ce dispositif en 2010.
«Il faut une vraie prise de conscience sur le sujet des violences au sein des familles ; on ne peut plus laisser aller les choses de cette façon», justifie-t-elle. Selon les dernières données disponibles, 156 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint en 2008.
Concrètement, le bracelet électronique permet de surveiller les déplacements de l’ex-époux violent 24 heures sur 24. Scellé au bras de l’agresseur, il est relié à un centre de contrôle par GPS et se recharge aux mouvements du poignet. La femme battue détient de son côté un petit boîtier qui se met à sonner si son ex-conjoint s’approche de son périmètre.
En cas de situation critique, la victime reçoit un appel du centre de contrôle qui l’aide à choisir le meilleur chemin pour l’éviter. Une patrouille de police peut également être envoyée sur les lieux. Enfin, un périmètre de sécurité peut être défini autour du lieu de travail, de l’école ou du centre commercial.
Un succès en Espagne
Les modalités précises restent cependant à définir, à l’issue d’une concertation avec les associations et les parlementaires qui sera lancée mi-octobre. En France, le bracelet électronique ne remplacera pas la peine de prison mais sera prescrit par la justice pour contrôler la mesure d’éloignement du conjoint violent. Environ 2 000 époux violents sont susceptibles d’être concernés chaque année.
Selon les experts, le bracelet électronique permet de sauver des vies. En Espagne, pays qui s’est doté de la législation la plus sévère d’Europe, la mesure a été expérimentée avec succès dans la région de Madrid, avant d’être étendue à tout le pays cet été (nos éditions du 4 août 2009). Quelque 3 000 GPS supplémentaires ont été mis à la disposition de la justice fin juillet. Selon le ministère espagnol de l’Égalité, le nombre de morts dues à la violence conjugale a baissé d’environ 14 % après la mise en œuvre de ce système.
«Les témoignages des femmes, très forts, montrent à quel point cette protection leur a permis de retrouver une stabilité psychologique et les a aidées à se reconstruire», indique-t-on au ministère de la Famille. Appliqué aux agresseurs les plus violents, souvent pathologiques, le dispositif casse le fantasme de toute-puissance dans lequel ils vivent.
«C’est une protection supplémentaire pour les victimes, confirme Me Martine Moscovici, avocate au barreau de Paris spécialisée dans la violence conjugale. Avec leur boîtier, les femmes seront psychologiquement rassurées : elles pourront se déplacer en paix, sans vivre avec la peur permanente d’être suivie.»
Le port du bracelet électronique sera couplé avec des mesures de prise en charge psychologiques et sociales, indispensables pour prévenir la récidive. Selon Nadine Morano, qui veut convaincre le premier ministre de reconnaître les violences faites aux femmes comme grande cause nationale en 2010, «on ne peut pas se contenter d’éloigner le mari violent».
La secrétaire d’État doit évoquer ce sujet mercredi en présentant ses prochaines mesures, lors d’une rencontre avec d’anciennes ministres aux droits des femmes, dont Simone Veil, Valérie Létard et Yvette Roudy.