L’impossible calendrier de la loi Taubira

Le projet de loi sur la réforme pénale est confronté à trois problèmes : le calendrier, la constitutionnalité et l’acceptation de la réforme par les professionnels de la justice.

 

Maintes fois annoncé, maintes fois reporté, le projet de loi sur la réforme pénale semble être désormais sur les rails. C’est l’impression que veut donner l’exécutif qui a prévu, après plusieurs reports, de le faire figurer à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres, mercredi. Et c’est la garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui détaillera sa réforme. Mais qu’en sera-t-il ensuite? À quel moment le texte sera-t-il discuté au Parlement?

 

Matignon est décidément peu disert et très évasif sur le sujet. Une première lecture est-elle prévue avant les élections municipales? «Nous n’avons pas encore fixé le calendrier parlementaire qui courra jusqu’aux municipales»,répondait la semaine dernière un conseiller du premier ministre, ajoutant tout de même que l’objectif est que le texte porté par Christiane Taubira soit «débattu dans le courant du premier semestre 2014».

 

En réalité, le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, avait déjà assuré courant septembre que le projet de loi ne pourrait pas être débattu avant les municipales, en raison de l’embouteillage de textes.

 

Dans la majorité, beaucoup estiment que cette réforme à risques est, en fait, reportée aux calendes grecques. Et que le couple exécutif, qui ne veut pas se dédire face à la droite, va continuer à jouer la montre, quitte à agacer un peu plus encore la garde des Sceaux qui a toujours plaidé pour une discussion au Parlement «dès que possible». «La vérité, estime un expert de ces questions proche du pouvoir, c’est que ce texte, en l’état, ne sera jamais examiné par le Parlement. La réforme est morte. Au moins jusqu’à 2015.»

 

Dans la majorité, beaucoup estiment que cette réforme à risques est reportée aux calendes grecques.

 

Selon lui, elle se heurte à trois difficultés. D’abord, le calendrier électoral. «On nous dit que la réforme pénale ne sera pas examinée avant les municipales mais elle ne le sera pas non plus avant les européennes de mai 2014. Car il s’agit là d’un scrutin avec des votes extrêmes très importants, d’un scrutin encore plus délicat que celui des municipales.» Autres difficultés: le problème de constitutionnalité que soulève la contrainte pénale et l’acceptation de la réforme par les professionnels de la justice. Pas moins de trois syndicats majoritaires chez les personnels de l’insertion et de la probation (SPIP) – la CGT Pénitentiaire, le SNEPAP-FSU et la CFDT Justice – ont lancé la semaine dernière une «ultime mise en garde» sur la question des moyens. Manifestement, la création de 450 postes de conseillers de probation et d’insertion annoncée par la garde des Sceaux ne suffira pas à calmer ces syndicats.

 

Pour l’heure, Christiane Taubira poursuit son tour de France afin de faire la pédagogie de sa réforme. Mais elle n’ignore pas que, plus le temps passe, plus ses chances de porter le texte à son terme s’amenuisent. D’autant qu’un coup fatal a été porté sur le point-clé de la réforme qu’est la peine de probation par le sénateur de l’Isère André Vallini, un proche de François Hollande qui se verrait bien Place Vendôme, en lieu et place de Christiane Taubira. «Je propose, a-t-il dit fin septembre sur le plateau de «Mots croisés» sur France 2, que cette réforme, qui suscite beaucoup de polémiques, puisse être expérimentée, dans le ressort d’une ou deux cours d’appel, pendant deux à trois ans, comme vous (l’UMP, ndlr) l’avez fait pour les citoyens assesseurs en correctionnelle.» Christiane Taubira a dû sentir le vent du boulet. «Personne n’est dupe, affirme un socialiste. Tout le monde sait que Vallini n’aurait jamais lancé cette idée d’expérimentation sans l’accord préalable du président.» Taubira a vraiment du souci à se faire.

source : LeFigaro.fr
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