Article paru sur LeMonde.fr le 20 juillet 2010
Dans un rapport publié mardi 20 juillet sur l’administration pénitentiaire, la Cour des comptes attire l’attention sur plusieurs maux récurrents des prisons françaises : surpopulation, accès aux soins « défaillant », travail et formation insuffisants, etc. Elle s’inquiète notamment des conséquences de la politique répressive du gouvernement en matière de récidive sur la qualité de la prise en charge des détenus.
Surpopulation.
« Accompagnant la médiatisation croissante des faits divers les plus tragiques », pas moins de cinq textes de loi sont venus appuyer l’objectif affiché par le gouvernement de lutter contre la récidive depuis 2005. Une politique dont l’effet sur la population carcérale est « significatif », note la Cour des comptes. Le nombre de personnes suivies par l’administration pénitentiaire est ainsi passé de 185 600 en 2005 à 235 000 au 1er janvier 2010 (61 000 détenus et 174 000 personnes en milieu ouvert), soit une hausse de 26,5 % en cinq ans.
La Cour relève le caractère « préoccupant » de cette surpopulation et adresse une critique sévère au gouvernement : « L’impact des dernières réformes de la politique pénale sur la population carcérale, donc sur la capacité à la prendre en charge, ne paraît pas avoir été suffisamment anticipé par le ministère de la justice ».
Comparés aux autres pays de l’UE, les chiffres des prisons françaises interpellent. La densité carcérale des prisons de l’UE s’établissait au 1er septembre 2008 à 106 détenus pour 100 places. En France, elle était de 131 %, ce qui la place au 24e rang sur 27 États membres, devant la Bulgarie, l’Espagne et Chypre.
Santé.
Une des conséquence de cette surpopulation, l’état de santé « préoccupant » des détenus et l’accès aux soins. D’après le rapport, la prise en charge sanitaire souffre principalement de l’inadéquation entre l’offre et la demande de soins psychiatriques. « La santé est un secteur très défaillant en prison. Un tiers des détenus devraient normalement bénéficier d’un suivi psychiatrique », explique Alain Pichon, président de chambre à la Cour des comptes.
L’environnement pénitentiaire est par ailleurs inadapté à l’accueil des personnes en fin de vie ou en situation de dépendance, alors que la population des prisons vieillit, déplore la Cour.
Travail.
Le service pénitentiaire doit mieux prendre en charge la santé des détenus et investir davantage dans leur formation professionnelle afin d’améliorer les conditions de vie en prison et prévenir la récidive, estime la Cour.
« En principe, tout détenu a droit au travail. C’est un facteur essentiel de la vie carcérale et un moyen de réinsertion future. Or, seulement 20 000 à 22 000 détenus sur 61 000 ont effectivement la possibilité de travailler », précise Alain Pichon.
La Cour dénonce notamment des « lacunes en matière de formation professionnelle » et demande des « investissements techniques et des formations qualifiantes » pour acquérir des compétences et ainsi mieux préparer les détenus à la sortie.
Gestion privée.
Les nouvelles prisons sont construites en partenariat avec un prestataire privé, qui construit le bâtiment et loue des services (cantines) ou activités (travail et formation professionnelle), à l’administration pénitentiaire. Une cogestion vivement critiquée par la Cour des comptes, qui s’alarme de la hausse des coûts.
La part des loyers versés aux prestataires privés est ainsi passée de 139,7 à 215,6 millions d’euros entre 2006 et 2009, ce qui représente 36,5 % des crédits de fonctionnement de l’administration pénitentiaire hors coûts salariaux.