Les tensions dans les prisons sont plus fortes en été

Pendant les trois mois d’été, la surpopulation carcérale, les fortes chaleurs et la suspension des activités créent un climat de tension dans les établissements pénitentiaires.

 

Ces conditions difficiles peuvent inciter les juges à ne pas incarcérer les personnes condamnées à des peines courtes.

 

« Chaque année, l’administration pénitentiaire est très inquiète en juin et très soulagée en septembre. » Pour Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats, la période estivale est « évidemment » particulière. Parce qu’à la surpopulation chronique des prisons – un nouveau record a été battu en juillet avec 68 569 détenus pour 57 000 places – s’ajoutent des conditions conjoncturelles délétères.

 

Il y a, d’abord, des difficultés matérielles, à commencer par la chaleur. « Être enfermé à trois dans une pièce de 9 m2 n’est jamais agréable, mais avec une température qui monte à 35 ou 40 °C et un simple soupirail pour aérer les lieux, cela devient insupportable », décrit Christophe Régnard.

 

Dans de nombreuses prisons, les détenus ne bénéficient pas de douches en cellule et doivent demander la permission aux surveillants pour s’y rendre. « Aux Beaumettes, à Marseille, il y a un surveillant par coursive, chacune comptant environ 150 détenus, explique Paul Adjedj, secrétaire régional de la CGT-pénitentiaire. Même en courant toute la journée, on ne peut pas répondre aux demandes. »

 

UN PLAN CANICULE POUR LES PRISONS DIFFICILE À METTRE EN ŒUVRE

 

Chaque été, l’Observatoire international des prisons reçoit de toute la France les lettres des détenus et de leurs familles. « Ils se plaignent de la chaleur, mais aussi dans les parloirs où les bouteilles d’eau ne sont pas toujours autorisées. De même, les cours de promenade sont souvent en plein soleil alors que c’est leur seule occasion de s’aérer », explique François Bès, membre de l’organisation.

 

Depuis 2003, un plan canicule pour les prisons a bien été défini. Cette année, selon l’administration pénitentiaire, il a été déclenché dans les départements du Rhône et de l’Isère. Il prévoit, en théorie, un meilleur accès aux douches, des distributions de bouteilles d’eau gratuites ou encore la mise en place d’un « système de diffusion d’eau par brumisation ». François Bès sourit à ce dernier énoncé. « Peu de prisons ont des systèmes de brumisateur ou de climatisation. Le plus souvent, on constate plutôt que les détenus arrosent le sol de leurs cellules pour les rafraîchir… »

 

Il est aussi prévu de mettre des ventilateurs à disposition, mais ceux-ci sont généralement payants (quelques dizaines d’euros). Enfin, le plan prévoit que les détenus sont exceptionnellement autorisés à porter un couvre-chef et des shorts, tous deux habituellement interdits. Mais cette « souplesse » n’est pas toujours de mise. La semaine dernière, un début de mutinerie a éclaté à la prison de Bourg-en-Bresse, quand les surveillants ont refusé aux détenus de sortir en short.

 

LES DÉTENUS À CRAN MORALEMENT

 

La situation est d’autant plus explosive que de nombreux détenus sont aussi à cran moralement. L’été, les visites des proches sont plus rares et beaucoup d’activités scolaires ou associatives s’arrêtent.

 

« L’ennui entraîne plus facilement des bagarres, entre les détenus d’abord, mais aussi avec les surveillants. On sent que ça peut dégénérer beaucoup plus rapidement », raconte Julie, qui intervient à la prison de Borgo, en Corse, dans le cadre du Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (Genepi).

 

« Il y a deux périodes compliquées à gérer pour les détenus, Noël et les grandes vacances, constate aussi le surveillant Paul Adjedj. Durant ces temps familiaux, ils sont plus tendus, tout comme les surveillants, d’ailleurs, qui peuvent être moins patients. »

 

DES RÉFORMES POUR FAIRE FACE À LA SURPOPULATION CARCÉRALE

 

C’est peut-être ce constat unanime des difficultés estivales qui a convaincu le parquet de Chartres de ne pas incarcérer, en ce début d’août, les trois personnes condamnées à des peines de prison ferme, mais d’en reporter l’exécution à plus tard.

 

La ministre de la justice, Christiane Taubira, veut en tout cas s’atteler à la surpopulation carcérale. Dans la réforme pénale qui doit être présentée début septembre, elle prévoit ainsi de créer une « peine de probation ». Celle-ci, effectuée hors les murs, concernerait les personnes condamnées à des peines courtes ou moyennes, probablement de moins de cinq ans. Elles bénéficieraient d’un suivi personnalisé.

 

De même, la ministre a annoncé son intention de supprimer les peines planchers instaurées en 2007.

 

Aménagements de peine, ce que dit la loi

 

Se défendant des accusations de laxisme dans l’affaire du parquet de Chartres, la ministre de la justice a assuré, lundi soir, que les magistrats n’avaient fait « qu’appliquer la loi ».

 

La loi pénitentiaire votée en 2009 indique que « l’exécution des peines favorise (…) l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. À cette fin, les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d’exécution (…). » Pour les peines de moins de deux ans, toutes les alternatives à l’incarcération doivent ainsi être envisagées en priorité.

 

Un principe réaffirmé par Christiane Taubira dans une circulaire de politique pénale datant de septembre 2012 : « Le recours à l’incarcération doit répondre aux situations qui l’exigent strictement (…). En dehors des condamnations en récidive, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours (…) et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. »

 

FLORE THOMASSET

source : La-Croix.com
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