Article de Marion Brunet publié le 04/05/2011
Manque de personnel, absence de définition du rôle des éducateurs, violence des détenus… Les syndicats dénoncent un manque de règles à l’intérieur des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Selon le ministère en revanche, les EPM «fonctionnent» bien.
Surveillants agressés, tentative d’évasion, prise d’otage… Plusieurs incidents survenus dans des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) ont occupé ces dernières semaines le devant de la scène. Un phénomène qui n’est pas nouveau selon Alain Dru, le secrétaire général de la CGT – Protection judiciaire de la jeunesse (CGT-PJJ), alors que ce type d’établissement existe depuis 2007. «L’incident survenu à Meyzieu mi-avril, au cours duquel une éducatrice a été prise en otage pendant plus de deux heures par un détenu de 16 ans, a permis que ce genre de faits soient connus, décrypte-t-il. Auparavant, le personnel de la pénitentiaire et de la PJJ subissait une forte pression pour ne pas parler. Il y aurait en réalité plusieurs centaines d’incidents par an dans les EPM, selon un rapport de l’Administration pénitentiaire et la PJJ sorti mi-avril».
Selon la direction de la protection judiciaire de la Jeunesse (DPJJ), les six EPM répartis sur le territoire français, ouverts entre 2007 et 2008, accueillent actuellement 225 mineurs, pour 346 places. Ces établissements, qui doivent «allier sécurité carcérale et éducation pour préparer la sortie et la réinsertion», peuvent héberger jusqu’à 60 détenus chacun, de 13 à 18 ans.
Pour Alain Dru, «il y a un vrai problème d’organisation et de conception du travail à l’intérieur des EPM». «On constate un souci dans la définition des rôles depuis le début», explique-t-il, tout en soulignant que la CGT-PJJ soutient le principe de séparation des détenus mineurs et majeurs. «Il n’y a par exemple pas de définition du rôle d’un service éducatif dans ce type d’établissement. On a ainsi mis l’accent sur les activités collectives (sports, macramé, poterie…), mais cela ne laisse pas assez de temps aux éducateurs pour discuter avec les jeunes», déplore le secrétaire général. Avant de poursuivre : «Or, ce sont des moments essentiels pour les mineurs, qui doivent comprendre pourquoi ils sont là ou qui ont parfois besoin d’être recadrés. Les éducateurs, qui n’ont pas de directives particulières, souhaiteraient parvenir à un équilibre entre les activités et les moments de discussions. Mais l’administration bloque sur ce sujet, car plus personne ne travaille sur les EPM depuis trois ans…»
Des murs cassés à coups de pied ou de poings
Pascal Rossignol, délégué régional du syndicat UFAP à Lyon, considère également qu’il n’y a pas assez de règles dans les EPM. «Certes, le concept est récent, mais nous n’avons jamais vraiment arrêté quelque chose de très professionnel, analyse-t-il. Les surveillants de la pénitentiaire et les éducateurs de la PJJ sont par exemple censés travaillés en duo – un pour l’encadrement, un autre pour la partie éducative -, mais ce système ne fonctionne pas car on n’a jamais expliqué aux uns et aux autres leur rôle». «Il arrive notamment que des éducateurs de la PJJ ne travaillent pas toujours en binôme avec un surveillant. Le mineur, qui est alors censé être encadré par deux personnes et non une, peut en profiter pour déstabiliser ou agresser le surveillant», ajoute Pascal Rossignol.
Contacté par Lefigaro.fr, le ministère juge de son côté que les actes de violence survenus récemment au sein de plusieurs EPM ne remettent pas en cause leur organisation. «On constate un bon fonctionnement de ces établissements autour de l’intervention conjointe des surveillants et des éducateurs», assure Olivier Pedro-Jose, le porte-parole adjoint du Garde des Sceaux, précisant qu’ils bénéficient de certaines formations communes.
Mais pour Pascal Rossignol, les concepteurs de EPM n’ont pas prévu le durcissement de la population pénitentiaire mineure, que ce soit au niveau de leur prise en charge ou des bâtiments les accueillant. Au bout de quatre ans, certaines infrastructures ont ainsi déjà dû être reconstruites, des jeunes ayant cassé des murs à coups de pied ou de poings. «Le ministre de la Justice, Michel Mercier, est très attentif aux violences dans les EPM. Il s’est d’ailleurs rendu à Meyzieu après la prise d’otage d’une éducatrice, rétorque son porte-parole adjoint. Ce type de comportement appelle une réponse ferme et rapide, même si la répression n’est pas l’unique réponse. On doit aussi intégrer une dimension éducative dans le souci de préparer le jeune à sa réinsertion».
Manque de personnel
Autre critique émise : le manque de personnel. «En moyenne, chaque EPM compte 50 surveillants et 36 éducateurs, ce qui en soi est raisonnable lorsque tout le monde est là, affirme Alain Dru. Mais c’est un nombre incompressible, ce qui fait que les personnes en congés payés, maladie ou maternité, ne sont pas remplacées». Une situation qui contraint certains personnels à faire des heures supplémentaires. «Ils deviennent forcément moins vigilants après 12 – 13 heures de travail et c’est là que les incidents peuvent survenir», note le secrétaire général de la CGT-PJJ.
Le 20 avril dernier, lors d’un mouvement de grève des éducateurs, la direction de la protection judiciaire de la Jeunesse, qui dépend du ministère de la Justice, assurait que la violence dans les EPM était «une de ses préoccupations centrales». Un «cahier des charges (…) reprécisant les rôles de chaque intervenant» sera publié à l’automne et les dispositifs de formation des surveillants et des éducateurs seront renforcés «dès le mois de septembre», avait-elle indiqué à l’adresse des grévistes.