Actualités Sociales Hebdomadaires – Numéro 2985 du 25/11/2016
Côté terrain – Justice
Auteur(s) : M. LB.
D’après les données connues au 1er octobre, il y a « plus de 14 000 détenus en surnombre (14 161), dont 1 430 n’ont même pas de lit mais dorment sur un matelas posé directement au sol ». Telle est la situation, compte tenu des 68 514 personnes détenues à cette date, des 58 476 places de prison et des places inoccupées dans certains établissements, rappelée par la Fédération des associations réflexion-action, prison et justice (Farapej) en introduction de son contre-rapport « Pour en finir vraiment avec la surpopulation carcérale ». Rendu public le 21 novembre, il fait écho au rapport du garde des Sceaux sur l’encellulement individuel, remis au Parlement en septembre dernier, quelques jours avant l’annonce d’un plan de construction de nouvelles places dans les établissements pénitentiaires. Face à une population carcérale qui a presque triplé en 40 ans et « une augmentation de plus de 10 % du nombre de prévenus en un an », c’est « en s’interrogeant sur la place de la prison » que l’Etat, avec les acteurs concernés, pourront « résoudre le problème à moyen terme », défend la Farapej. En matière d’incarcération, « faisons moins, mais mieux », invite-t-elle, se défendant de porter un « projet laxiste ».
Dans son rapport, la fédération propose de « changer de méthode » en déterminant un « plan d’action pluriannuel comportant un objectif chiffré de réduction de la population carcérale ». Cette politique « réductionniste » s’articulerait autour de trois axes. Le premier : l’instauration d’un mécanisme de prévention de la surpopulation carcérale fixant une capacité maximale aux établissements pénitentiaires, mis en œuvre « de manière progressive, échelonnée, pour ne pas créer une saturation du système ». Si l’idée n’est pas nouvelle – la mission présidée par le député (PS) Dominique Raimbourg envisageait en 2013 l’instauration d’un « numerus clausus »–, la Farapej préconise, de manière détaillée, un système qui reposerait sur une « cote d’alerte » entraînant une « activation des sorties » par l’accélération des aménagements de peine. La capacité maximale de chaque établissement « serait initialement fixée au-dessus de [sa] capacité opérationnelle et serait réactualisée sur une base annuelle, chaque 1er juin, de manière à tendre, en cinq ans », vers cette dernière. Ce mécanisme devrait « être l’occasion de programmer également de manière échelonnée et conjointe le développement progressif de l’encellulement individuel », en intégrant cette exigence dans le calcul des capacités opérationnelles des établissements pénitentiaires, préconise le rapport.
Le deuxième pilier de cette politique porterait sur la réduction des entrées, « notamment par le développement des sanctions appliquées dans la communauté », ce qui supposerait de lever les freins au prononcé de la contrainte pénale et d’étendre le champ d’application de cette peine. Limiter le recours à la détention provisoire, éviter le prononcé de courtes peines de prison et faire « de la sortie progressive et accompagnée la règle, et non l’exception » font également partie des pistes proposées. Enfin, le troisième axe de cette politique de diminution de la population carcérale porterait sur la réduction des durées de détention « par le développement des aménagements ». Le rapport n’exclut pas « l’hypothèse qu’il faille construire un certain nombre de places de prison » pour parvenir à l’objectif fixé, option qui ne pourrait toutefois pas être envisagée « tant qu’un plan réductionniste n’aura pas été engagé ». En tout état de cause, souligne la Farapej, la conception des établissements doit prendre en compte l’application des règles pénitentiaires européennes.
La fédération préconise par ailleurs d’améliorer l’outil statistique du ministère de la Justice pour « permettre une meilleure connaissance de l’état de la surpopulation et de l’exécution des peines ». Elle appelle également à engager « un débat de fond sur l’échelle des peines pour reconsidérer la place de la prison, la longueur des peines et envisager que certaines infractions » soient dépénalisées ou ne puissent plus conduire en prison.