Une majorité d’élus ont voté en faveur de la réforme pénale. Plusieurs mesures phares du sarkozysme pénal seront ainsi abrogées, si le Sénat, qui examinera le texte à partir du 24 juin, l’adopte à son tour.
Les députés ont adopté mardi en première lecture à une nette majorité de 328 voix contre 231 le projet de réforme pénale de Christiane Taubira qui abroge les «peines plancher» et crée une nouvelle peine sans emprisonnement, la «contrainte pénale».
Tous les groupes de gauche ont voté pour, alors que l’UDI et l’UMP ont voté contre, tout comme les deux élus FN. Il n’y a eu aucune abstention, preuve du caractère clivant de ce texte, qui a fait l’objet d’une opposition frontale droite-gauche lors des débats toute la semaine dernière. Le projet de loi «tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales» sera maintenant examiné au Sénat à partir du 24 juin.
Comme promis par François Hollande lors de sa campagne, le texte affirme le principe de l’individualisation des peines, en supprimant les automatismes, notamment les très symboliques «peines plancher». Instaurées sous Nicolas Sarkozy, elles sont jugées inefficaces par le gouvernement pour contrer la récidive, mais aussi responsables d’un allongement de la durée des peines et d’une surpopulation pénale accrue. Le nombre de détenus est ainsi passé de 58 000 en 2007 à plus de 68 000 en 2014.
VERS LA «CONTRAINTE PÉNALE» APPLICABLE À TOUS LES DÉLITS
Le texte crée pour tous les délits une nouvelle peine, la «contrainte pénale», applicable à l’ensemble des délits à partir du 1er janvier 2017. D’ici là, elle pourra être prononcée en cas de délit pour lequel la peine encourue est de 5 ans de prison maximum.
La contrainte pénale consiste, sous le contrôle du juge d’application des peines, à respecter en milieu ouvert des obligations et interdictions durant six mois à cinq ans, afin de prévenir la récidive en favorisant la réinsertion. Pour lutter contre les sorties «sèches» (sans mesure d’accompagnement) de prison, actuellement 80% des sorties et même 98% pour les peines de moins de six mois, la situation des détenus devra être évaluée aux deux-tiers de la peine.
Pour les victimes, le texte prévoit qu’elles puissent saisir la justice de ce qu’elles estiment être une atteinte à leurs droits en cours d’exécution de peine, et demander à être informées de la fin de l’exécution d’une peine de prison.
«LA PRISON C’EST L’ÉCOLE DU CRIME»
Pour l’UMP Georges Fenech, «cette réforme sera perçue comme un signal de laxisme par les délinquants». L’UDI Michel Zumkeller a critiqué «une volonté de traiter du problème de la récidive sous l’angle de la surpopulation carcérale».
A gauche, l’écologiste Sergio Coronado a salué une «rupture salutaire avec les dizaines de lois pénales de l’ancienne majorité qui n’ont en rien amélioré la sécurité». Le radical de gauche Alain Tourret s’est félicité de la fin de «la philosophie du tout carcéral» car «la prison c’est l’école du crime».
«Vigoureuse démonstration de courage politique et de force éthique: la gauche rassemblée contre la récidive et pour les victimes», a tweeté après le vote Christiane Taubira.
Mais l’unanimisme de la majorité masque des désaccords internes sur l’ambition de la réforme. Christiane Taubira avait dû accepter les arbitrages rendus l’été dernier par François Hollande en faveur de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, qui jugeait le projet initial trop laxiste.
Le Front de gauche Marc Dolez a ainsi demandé mardi l’inscription «le plus rapidement possible à l’ordre du jour de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs et de l’abrogation de la rétention de sûreté», deux autres promesses de François Hollande que le gouvernement n’a pas voulu inscrire dans ce texte comme le souhaitait une partie de la majorité.