La contrainte pénale, grande innovation de loi du 15 août 2014 « relative à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive », est aujourd’hui très peu appliquée par les juges. Une centaine serait prononcée chaque mois en France, au côté d’environ 25 000 peines d’emprisonnement ferme ou avec sursis (partiel ou total).
Il s’agissait de permettre aux tribunaux de prononcer une peine alternative à la prison, individualisée après un travail d’enquête et de préparation confié aux services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Cette peine qui peut être prononcée pour les délits passibles de moins de cinq ans d’emprisonnement (vol simple, usage de stupéfiant, délits routiers, violences, etc.), peut comprendre des obligations (réparation de dommages causés par l’infraction, formation professionnelle, traitements médicaux, programmes de prévention de la récidive, etc.) et des interdictions (conduire un véhicule, aller au bistrot, fréquenter certaines personnes ou certains lieux). Des mesures mises en œuvre et contrôlées par les conseillers d’insertion.
Les recrutements ont pris du retard
Mais les tâches de ces conseillers pénitentiaires vont très au-delà. Ils sont chargés du suivi « personnalisé » des quelque 250 000 personnes sous main de justice, qu’elles soient écrouées (plus de 77 000 personnes, dont 68 000 détenus) ou placées en milieu ouvert (plus de 172 000). Pour les aider dans leurs démarches d’insertion et surveiller les obligations imposées par la justice, ils sont 3 200 conseillers auxquels s’ajoutent environ 500 cadres du corps des directeurs des services d’insertion et de probation.
Le plan triennal de 1 000 recrutements annoncé en 2014 a pris du retard. Il a dû être étalé sur quatre ans (jusqu’en 2017). Surtout, explique Olivier Caquineau, secrétaire général du Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (Snepap-FSU), « c’est la fonction répressive de la pénitentiaire qui est privilégiée ». Les créations de postes annoncées dans le cadre des deux plans antiterroristes de 2015 et les améliorations indemnitaires négociées en décembre sont allées aux surveillants, pas aux personnels chargés de la prévention de la récidive. Ils y voient un retour de la politique du tout-carcéral.
Une première réunion s’est tenue début avril à la chancellerie, rencontre qualifiée de constructive de part et d’autre. La seconde l’a été beaucoup moins. Depuis, plus rien ne se passe alors que les échanges étaient censés se poursuivre, en particulier sur la partie indemnitaire et statutaire.
Mieux comprendre les ressorts de la récidive
Quant à la contrainte pénale, « il faut réfléchir aux moyens de la relancer », reconnaît Dominique Raimbourg, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui pilote le comité de suivi de la réforme de 2014. D’autant plus qu’elle est censée pouvoir être généralisée à partir de janvier 2017 pour les délits passibles d’une peine de cinq ans d’emprisonnement ou plus.
En attendant, le gouvernement s’est enfin doté d’un outil pour mieux comprendre les ressorts de la récidive et de la réinsertion. Le garde des sceaux a installé le 26 avril l’Observatoire de la récidive et de la désistance (la sortie de la délinquance) qui avait été décidé vingt mois plus tôt par un décret du 1er août 2014. Présidée par Henriette Chaubon, conseillère à la chambre criminelle de la Cour de cassation, cette instance qui comprend des scientifiques, des élus et des magistrats va devoir tenter de comprendre ces phénomènes, de les mesurer statistiquement et d’en isoler les facteurs. L’objectif est en particulier d’apporter des éléments précis pour nourrir les réflexions, alors que l’éternel débat répression/prévention tourne en rond.
Les conseillers d’insertion et de probation qui n’ont pas le droit de grève, comme les autres personnels pénitentiaires, espèrent y trouver des arguments pour plaider une meilleure reconnaissance de leurs missions. Pour l’heure, la seule chose qu’ils ont obtenue du ministère de la justice est la fin de la « pré-affectation » qui mettait de jeunes stagiaires n’ayant pas terminé leur formation en lieu et place de conseillers titulaires.
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