Article de Flore Galaud publié le 01/04/2011 sur lefigaro.fr
En France, seules les condamnations prononcées en Cour d’assises n’ont pas à être motivées.
Le Conseil constitutionnel a décidé vendredi que la non-motivation des verdicts des cours d’assises était conforme à la Constitution. Magistrats et jurés vont donc pouvoir continuer à se prononcer selon leur «intime conviction».
Le Conseil constitutionnel a tranché : la non-motivation des verdicts en cours d’assises est bien conforme à la Constitution, contrairement à ce que laissaient entendre les requêtes formulées par deux condamnés, le Dr Jean-Louis Muller et Xavier Philippe. Magistrats et jurés vont donc pouvoir continuer à se prononcer dans cette cour en répondant à une liste de questions par «oui» ou par «non» selon leur «intime conviction». Un système datant de la Révolution et qui a déjà été réaffirmé à plusieurs reprises par la Cour de cassation.
Dans le droit français, seules les condamnations prononcées en cour d’assises – qui jugent les crimes passibles d’au moins dix ans de prison – peuvent être statuées de cette façon. En correctionnelle (délits), la décision doit en effet être motivée. Une exception souvent décriée par les avocats et les condamnés. C’est pour cela que Jean-Louis Muller, condamné à 20 ans de réclusion pour le meurtre de sa femme et le boulanger Xavier Philippe, condamné à 30 ans pour le meurtre de son associé, s’étaient décidés à déposer deux questions prioritaires de constitutionnalité* (QPC).
Leurs requêtes avaient été examinées le 15 mars. Au cours de l’audience, publique, leurs avocats avaient fait valoir qu’un arrêt non motivé ne permettait pas à l’accusé de connaître les raisons de sa condamnation. Le représentant du gouvernement,Thierry-Xavier Girardot, avait de son côté estimé qu’obliger les cours d’assises à motiver leurs décisions entraînerait «une remise en cause radicale du fonctionnement de ces juridictions». Après deux semaines de réflexion, les Sages de la rue Montpensier sont allés dans son sens et ont écarté les arguments selon lesquels ce système violerait le «principe d’égalité» et «les droits de la défense».
Car selon le Conseil constitutionnel, l’intime conviction en cour d’assises se forge «sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirement débattus». Ces garanties, précise-t-il, portent également «sur la formulation des questions, les modalités de délibération de la cour d’assises et les majorités d’adoption des décisions». Autant d’éléments, selon la Haute juridiction, qui ne permettent pas de dire qu’une cour d’assises aurait un «pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilité d’un accusé».
La décision du Conseil constitutionnel devrait conduire la Cour de cassation à rejeter les pourvois formés par les avocats de Jean-Louis Muller et Xavier Philippe. Leurs condamnations en appel deviendraient alors définitives.
*Depuis le 1er mars 2010, tout citoyen peut contester la constitutionnalité d’une loi, qui selon lui, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit (article 61-1 de la Constitution).Il doit alors déposer une question prioritaire de constitutionnalité, dite QPC.