Les associations veulent d’abord des logements !

150 000 personnes sans domicile fixe, un dispositif d’accueil qui, au mois de décembre dernier, ne pouvait répondre qu’à 50 % des demandes, 27 000 ménages pourtant reconnus prioritaires DALO non relogés à ce jour, un nombre croissant d’expulsions locatives (112 000 décisions judiciaires pour la seule année 2010)…et ce alors que notre pays compte 3,6 millions de mal logés et 10 millions de personnes atteintes par la crise du logement.

 

Ces chiffres, brutaux au regard de leurs conséquences humaines, se traduisent concrètement par la réapparition de solutions de logements de substitution que nous avions oubliées, à l’image des campements sur les abords des accès routiers ….. ou des bidonvilles. Une telle situation honteuse pour notre pays fait, en période hivernale, l’objet de commentaires et de compassion, puis engendre des annonces qui se fondent souvent sur les enseignements de l’Abbé Pierre mais s’avèrent malheureusement oubliées dès l’arrivée du printemps.

 

Le calendrier électoral aura cette année justifié des mesures exceptionnelles mais parcellaires, avec l’engagement récent de prolonger pour deux mois l’accueil hivernal ; mesure ponctuelle qui n’apporte pas de réponse de fond à la question de l’augmentation du nombre de sans abris. Celui-ci, sur la période 2001-2010, a pourtant progressé de 75 %, selon un récent rapport de la Cour des Comptes.

 

Pour autant force est de constater la frilosité, si ce n’est le silence, de certains candidats sur les questions de l’hébergement et du logement ; regret partagé par 73 % des Français qui estiment que ces questions sont insuffisamment abordées lors de la campagne.

 

Plutôt que de nouvelles promesses incantatoires fixant des objectifs généraux de réduction de la pauvreté, voire de disparition du sans-abrisme, le mouvement Emmaus, entré en résistance en juin 2011 face à l’échec de l’engagement politique, attend des candidats un véritable plan d’actions qui fasse l’objet d’une priorité nationale.

 

Précisons d’ores et déjà que le slogan du « Logement d’abord » ne pourra pas constituer la seule réponse aux difficultés croissantes des personnes vivant en dessous des seuils de pauvreté, des familles monoparentales à la rue, des personnes immigrées et des chômeurs particulièrement exposés aux phénomènes d’exclusion, et ce d’autant que l’offre de logement à loyers économiquement accessibles fait particulièrement défaut dans certaines régions, et notamment en Ile-de-France.

 

S’il est d’une manière générale effectivement judicieux de vouloir privilégier le logement par rapport à l’hébergement, encore faut-il rappeler que les structures d’accueil d’urgence constituent souvent un sas temporaire indispensable à la réussite d’un parcours d’insertion et permettent un suivi social adapté aux difficultés croissantes des publics. L’expérience de l’association Emmaus Solidarité qui accueille quotidiennement 2000 personnes dans une soixantaine d’établissements, atteste, à elle seule, de l’utilité de ces structures.

 

Il importe désormais que les candidats se positionnent sur leurs ambitions quant à la capacité d’accueil des structures d’hébergement dont les places font cruellement défaut, mais aussi sur l’application tout au long de l’année d’un accueil inconditionnel, et sans remise à la rue de toute personne sans-abri. Nous attendons également des propositions concrètes en matière de prévention des expulsions, ainsi qu’en faveur de la mise en œuvre d’une politique cohérente de construction de logements sociaux réellement accessibles.

 

Enfin se pose la question des moyens affectés à ces dispositifs. La crise économique ne peut en effet continuer à justifier les phénomènes de précarité que subissent actuellement les plus pauvres. Sous la pression tenace des situations d’exclusions, les candidats doivent communiquer leur stratégie afin de mieux organiser la solidarité auprès des plus démunis et par conséquent la répartition des ressources d’une collectivité nationale qui reste la cinquième puissance économique mondiale mais avec des inégalités croissantes. La lutte contrela pauvreté doit aussi passer par la lutte contre les inégalités.

 

Christophe Deltombe, président d’Emmaus France, Marc Prévot, président d’Emmaus Solidarité

 

source : LeMonde.fr
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