Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGPL), Jean-Marie Delarue, plaide mercredi pour une loi d’amnistie des peines « très légères » prononcées avant 2012 et non exécutées afin de ne pas aggraver la surpopulation carcérale qui atteint, à ses yeux, un niveau inquiétant.
Dans un avis publié au Journal officiel, le CGPL prône, outre une réflexion de long terme sur la politique pénitentiaire, des mesures rapides pour désengorger les prisons comme le vote par le Parlement d’une « loi d’amnistie spécifique » à l’égard des condamnés à des peines « très légères » prononcées avant 2012 et qui n’ont pas encore été mises à exécution, « faute des moyens nécessaires donnés aux greffes ».
La loi d’amnistie votée à l’Assemblée après l’élection présidentielle était traditionnelle jusqu’à l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, qui y a alors renoncé, comme il a abandonné ensuite les grâces du 14 Juillet. Ces mesures effaçaient certaines contraventions et tout ou partie des peines pour des petits délits, ce qui soulageait les 192 prisons.
Après une tendance à la baisse dans les années 2009-2010, le nombre de détenus a battu ces derniers mois plusieurs records historiques pour atteindre 67 073 prisonniers au 1er mai, soit, rapporté aux nombres de places existantes, une occupation à 117,3 %. « La croissance de ces derniers mois inquiète », note le CGPL dans son avis.
PEINES D’IL Y A PLUS DE DEUX ANS ET DE MOINS DE SIX MOIS
Mettre en prison des condamnés, même pour une brève durée, avec une ou plusieurs années de retard, « a pour résultat de ruiner l’insertion de ceux qui, postérieurement au jugement, avaient repris vie professionnelle et relations sociales », note Jean-Marie Delarue.
Dans une interview au quotidien 20 Minutes mercredi, il précise que cette amnistie pourrait concerner « les peines de moins de six mois de prison et celles qui ont été prononcées il y a plus de deux ans ». « Cela permettra de remettre les compteurs à zéro », ajoute le CGPL.
La résorption du stock de milliers de peines de prison en attente était l’une des consignes du gouvernement précédent et a contribué à la hausse récente du nombre de personnes incarcérées. « Le nouveau gouvernement a le pouvoir de remettre les cartes sur la table », explique M. Delarue dans le quotidien, rappelant que l’opposition de gauche avait voté contre la loi sur l’exécution des peines adoptée peu de temps avant l’élection présidentielle.
SURPEUPLÉE, LA PRISON FACILITE LA RÉCIDIVE
Le CGPL identifie d’autres causes de cette évolution : une politique sécuritaire qui « amène en détention des personnes, éventuellement plus nombreuses, que l’on n’y mettait point » auparavant, comme les auteurs d’infraction routière ; des procédures de jugement « plus rapides », avec des juges « plus sévères » ; le développement des « peines planchers ». Mais l’augmentation de la population carcérale ne résulte pas d’une hausse de la délinquance, affirme-t-il.
Il plaide pour une réflexion de fond sur l’efficacité de la prison au regard de l’infraction commise, sur le recours à la détention provisoire, en souhaitant que les magistrats puissent consacrer davantage de temps au traitement des affaires « banales », « dans lesquelles sont pourtant en jeu des avenirs décisifs » et à la réalité de la prison.
Promiscuité, accès moins aisé au travail, aux activités, au téléphone, aux parloirs, à la prise en charge par le personnel pénitentiaire, une prison surpeuplée devient « une caricature d’elle-même » qui facilite, à son corps défendant, la récidive, regrette Jean-Marie Delarue dans son avis.