«La prison est criminogène» : le faux départ de Castaner

FIGAROVOX/TRIBUNE – Guillaume Jeanson regrette que le ministre de l’Intérieur fraîchement nommé témoigne déjà, dans ses propos, de sa méconnaissance des facteurs de la délinquance. Au contraire, selon l’avocat, le manque d’ambition de la politique carcérale du gouvernement affaiblit la crédibilité de la justice.


Guillaume Jeanson est avocat au barreau de Paris, et porte-parole de l’Institut pour la Justice.


«Je suis intimement convaincu que mettre en prison un jeune homme pour une première faute n’est pas la bonne solution parce que je crois que la prison est criminogène».Jusqu’à ces quelques mots prononcés sur RTL, l’entrée en fonction du nouveau ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, s’était à peu près déroulée convenablement. Était-ce grâce à l’appui précieux de Laurent Nuñez, Secrétaire d’État nommé à ses côtés, réputé fin connaisseur de ces sujets que le nouveau ministre ne feignait pas même, quant à lui, de connaître?

Certes, le discours méritait tout de même quelques ajustements. La surenchère policière vendue comme un curieux remède à l’autorité bafouée du corps enseignant en avait ainsi étonné légitimement plus d’un. Elle n’était pas sans rappeler ces curieuses velléités sécuritaires qui s’emparent sporadiquement de ces «marcheurs» que l’actualité échaude parfois plus que de raison. Ainsi de l’annonce de cette proposition de loi qui prétendait purement et simplement criminaliser le mauvais goût, en sanctionnant la «glottophobie», cette nouvelle forme de discrimination basée sur les accents régionaux, en réaction à l’accent moqué niaisement par Jean-Luc Mélenchon. Une annonce commuée depuis par le JDD en simple «blague», malgré les dénégations, rapportées par l’Express, de la députée de Paris à l’origine de cette idée saugrenue qui continue néanmoins à défendre le sérieux de sa démarche…

Après ce coup de menton à peu près stérile sur l’école, on ne peut que tout autant regretter la démagogie de cette saillie du ministre qui colporte, en même temps qu’elle cautionne, cette idéologie ravageuse au plus haut sommet de l’État. Est-il vraiment fréquent, comme le ministre semble vouloir le laisser supposer, de«mettre en prison un jeune homme pour une première faute»? La réponse est négative. Même si cette fréquence est évidemment tributaire de ce qu’on entend par «faute» et par «jeune». Elle dépendra en effet de savoir si nous sommes en présence d’une incivilité, d’un délit ou d’un crime. De savoir si l’auteur de l’infraction est majeur, mineur de 16 à 18 ans ou seulement de moins de 16 ans… Notons ainsi par exemple que, l’année dernière, sur les 170 186 affaires traitées de délinquance des mineurs, on compte, parmi les 59 350 mesures ou sanctions prises par les juges des enfants et les tribunaux pour enfants, seulement 5 249 peines d’emprisonnement ferme. Et si l’on se réfère aux derniers chiffres de l’administration pénitentiaire suivant lesquels 816 mineurs seraient actuellement détenus, on peut aisément supposer qu’une bonne partie de ces peines d’emprisonnement sont de toute façon aménagées pour éviter la prison. En ce qui concerne les jeunes majeurs, pour la sanction desquels le recours à l’incarcération est bien sûr plus fréquent, l’incarcération – rarissime pour un premier forfait – n’interviendra généralement qu’en présence d’une gravité suffisante. Pour s’en faire une idée, prenons ces chiffres de l’Angleterre et du Pays de Galles où le taux d’incarcération est très supérieur au nôtre (ce qui laisse imaginer des chiffres sans doute plus conséquents encore en France): 70 % des peines de prison prononcées en 2016 l’ont été à l’encontre d’individus déjà condamnés au moins sept fois et 50 % des peines l’ont été à l’encontre d’individus déjà condamnés au moins 15 fois. Seuls 8 % des condamnés étaient des primo-délinquants et toujours pour des délits graves.

Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site d’origine. 

Partagez :