Article paru sur LeMonde.fr le 7 décembre 2011
Les politiques pénale et pénitentiaire menées de 2005 à 2011 au nom de la prévention de la récidive se sont soldées par des mesures « inefficaces, voire contre-productives », estime l’Observatoire international des prisons (OIP) dans un rapport publié mercredi 7 décembre.
Ce rapport sur « les conditions de détention de France » recense « 18 nouvelles lois pénales mises en œuvre » d’août 2005 à novembre 2010, ayant principalement pour objectif « la lutte contre la récidive, la criminalité sexuelle et la délinquance des mineurs ».
Une récente étude de deux chercheurs de l’administration pénitentiaire (AP) a montré que les taux de récidive les moins élevés concernent les libérés conditionnels (39 %) et les condamnés à une peine alternative (45 %), suivis des bénéficiaires d’un aménagement de peine, dont le bracelet électronique (55 %), rappelle l’OIP. Les taux plus élevés concernent les détenus qui ont purgé la totalité de leur peine en prison : 63 % de récidive dans les cinq ans qui suivent la libération.
« La libération conditionnelle, mesure incluant un accompagnement sur les plans de l’insertion, des soins, de la prévention de la récidive », apparaît ainsi « plus efficiente à réintégrer les personnes condamnées dans ‘une vie sans délinquance’ qu’une simple surveillance de leurs déplacements » au moyen du bracelet électronique, conclut cette association de défense des droits des détenus.
Et pourtant, l’OIP constate que, de 2005 à 2010, les décisions de placement sous surveillance électronique observent une « ascension fulgurante » de + 370 %, supplantant largement l’octroi des autres mesures d’aménagement de peine. Le projet de loi de programmation récemment présenté en conseil des ministres prévoit de doubler le nombre de personnes sous surveillance électronique à l’horizon 2017, pour le porter à 16 000 personnes. L’OIP déplore parallèlement « la faiblesse chronique des moyens humains mis à la disposition des SPIP [services pénitentiaires d’insertion et de probation] ». L’association se demande donc si le développement des aménagements de peine ne vise pas en premier lieu à « désencombrer les prisons » plutôt qu’à promouvoir la réinsertion des condamnés.
Elle rappelle que, pour résorber la surpopulation carcérale, les gouvernements successifs ont prévu d’importants programmes visant à augmenter le nombre de places de prison. Elle s’inquiète du projet de construction de structures spécifiques pour les personnes condamnées à de courtes peines, dans lequel elle voit « un renoncement à la politique d’aménagement des courtes peines de prison », qu’avait pourtant renforcée la loi pénitentiaire de 2009.
L’OIP observe, par ailleurs, que cette loi érige la prévention de la récidive comme « mission première » de l’AP, « tout en apportant un cadre légal à une pratique s’inscrivant fondamentalement dans une démarche opposée » : la généralisation de « régimes différenciés » de détention, en fonction du profil des condamnés.
L’association dénonce les « conditions artisanales » de l’introduction d’outils d’évaluation des détenus (visant à déterminer leur dangerosité, vulnérabilité, risque suicidaire). En fonction des résultats, les détenus sont affectés dans une unité plus ou moins sécurisée (fermeture ou ouverture des portes des cellules en journée, possibilité de prendre ses repas seul ou avec des codétenus, accompagnement par un surveillant lors des déplacements dans la prison…). « Le système fonctionne en boucle : les détenus du régime fermé auront plus difficilement accès à un travail ou un aménagement de peine », observe l’OIP, jugeant ce dispositif « antinomique avec une logique éducative et de prévention de la récidive ».