La justice présente ses voeux: invités privés de cocktail et moquette trouée

La révolte couve dans certains tribunaux, qui profitent des audiences solennelles de début d’année pour alerter sur leur manque d’effectifs et de moyens, en privant les invités de cocktail ou en leur offrant un bout de moquette trouée.

 

Il manque du personnel et les budgets ne permettent ni de rénover les bureaux ni de renouveler le mobilier, déclarait lundi dans son discours le président du TGI d’Evry, Bruno Cathala, prévenant l’assistance que le pot habituel ne serait pas servi après la cérémonie.

 

Le tribunal de Créteil a lui aussi considéré que l’heure n’était pas aux festivités. Selon son président, Gilles Rosati, une réduction de 20% des budgets de fonctionnement s’annonce pour 2013.

 

Déjà en 2012, il avait fallu résilier des abonnements et réduire la consommation de papier, jusqu’à l’octroi d’une rallonge pour finir l’année.

 

« Il nous est apparu nécessaire de supprimer les seuls frais de représentation dont nous disposions encore, c’est-à-dire ceux des réceptions des audiences de rentrée », a donc jugé M. Rosati.

 

Le budget de la justice est en augmentation de 4,3%, mais si le montant alloué aux frais de justice est prévu en hausse, le budget de fonctionnement est en baisse.

 

Cette diminution « est-elle compatible avec une justice de qualité, rapide, efficace et accessible? », s’est interrogé le premier président de la cour d’appel de Besançon, Michel Mallard.

 

Un magistrat de Montpellier remarquait récemment qu’un procureur adjoint arrivé en septembre n’avait pu être affecté à des permanences faute de téléphone portable, qui n’était pas inscrit au budget.

 

« Toujours mieux avec toujours moins »

 

A Brest, l’audience de rentrée a été suivie d’un cocktail fort sympathique mais son président, Philippe Delarbre, n’en a pas moins constaté que « trois postes de magistrats sur 25 seront vacants ce premier trimestre ».

 

Pour le procureur de Paris, François Molins, « la situation des effectifs n’a jamais été aussi problématique, puisque sur 127 magistrats prévus, l’effectif utile n’est depuis septembre que de 117 ».

 

Il faut « faire toujours mieux avec toujours moins », a résumé le procureur général de Dijon, Jean-Marie Beney. L’activité augmente chez lui et s’ajoute à l’expérimentation des citoyens assesseurs en correctionnelle, le tout dans un contexte de « fonte » des effectifs.

 

« En cas de hausse des affaires nouvelles, c’est l’engorgement assuré », a également mis en garde le président du TGI de Nanterre, Jean-Michel Hayat, dont la juridiction n’a « plus la moindre marge de manoeuvre ».

 

Pour le procureur de Mulhouse, Hervé Robin, c’est un « non sens absolu » que de vouloir transposer à la justice une « logique mathématique » digne d’une entreprise privée.

 

Encouragement toutefois pour les troupes, certains chefs de juridiction ont pu annoncer rénovations et constructions à venir. On a d’ailleurs fêté avec profusion de petits fours et champagne l’inauguration du palais de justice historique de Lyon fraîchement rénové.

 

Au tribunal de Saint-Malo, c’est la moquette de la salle d’audience, inaugurée en 1957 par le ministre de la Justice d’alors, François Mitterrand, qui a été changée.

 

L’ancienne était dans un état lamentable et présentait un gros trou devenu « un sujet de plaisanterie lors des audiences de rentrée », « le symbole de notre misère », a souligné le président du TGI, François Génicon.

 

« J’avais promis au député maire que lorsque j’aurais trois francs six sous, je lui encadrerais ce trou ». Ce qu’il a fait. A l’issue de l’audience solennelle, M. Génicon a remis au maire et ancien député René Couanau le morceau troué, joliment encadré.

source : LePoint.fr
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