La justice expérimente les « GAM »: des greffiers pour renforcer les magistrats

Des « greffiers assistants de magistrats », ou « GAM », font leurs premiers pas dans six parquets de France depuis janvier, une expérimentation dans le cadre de la réforme de la justice du XXIe siècle voulue par Christiane Taubira, qui semble plutôt plébiscitée, côté greffiers comme magistrats.

« Actuellement les magistrats font du travail de greffe et les greffiers font du travail de secrétariat: que chacun soit recentré sur son coeur de métier c’est important », estime Virginie Duval, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats (USM).

Rennes, un des parquets « tests » avec Saint-Malo, Chartres, Nanterre, Amiens et Soissons, les trois GAM sont dans un même bureau d’où elles assurent la « permanence route », créée dans le cadre de l’expérimentation, mais aussi la gestion courante des affaires de stupéfiants ou encore le suivi de certaines enquêtes, le tout selon une grille de lecture établie par un magistrat.

Elles assurent aussi « l’assistance au parquet », pour les relations avec la presse ou encore les recherches juridiques, mais aussi l’assistance des magistrats de la JIRS (Juridiction interrégionale spécialisée) pour la rédaction de mandat d’arrêts européens ou encore la recherche de traducteurs.

La plupart du temps elles communiquent par courriel avec les magistrats, mais gardent une certaine liberté. « On se répartit les tâches, ce n’est pas fixé », explique Florence Bigot, l’une des GAM.

Dans un autre parquet test, à Saint-Malo, le magistrat de permanence ne gère plus tout seul la permanence dans son bureau. A ses côtés, dans un bureau dédié où courriels et appels téléphoniques affluent des services d’enquête, un GAM traite les affaires courantes.

« La base c’est d’être à côté du magistrat », estime Alexandre de Bosschère, procureur de la République de Saint-Malo. Comme à Rennes une adresse électronique est dédiée aux infractions routières, mais le GAM va pouvoir pré-traiter de nombreuses tâches du magistrat de permanence, et l’aider dans sa prise de décision.

Car avec le GAM, le greffier « devient un collaborateur au sens plein du terme » du magistrat, explique Michael Janas, directeur de l’École nationale des greffiers (ENG), basée à Dijon.

‘Double regard’

« C’est une nouvelle manière de travailler, ça fait baisser la pression à la permanence » et ça apporte « un double regard », explique M. de Bosschère. Finalement « un gain d’efficacité et de qualité de travail », assure-t-il.

Si la présence de greffiers dans les permanences est déjà effective dans certains des 170 parquets de France depuis 2003, année où les greffiers ont obtenu la compétence d' »assistance à magistrat », l’arrivée des GAM « va peut-être permettre une harmonisation », relève Hervé Bonglet secrétaire général de l’Unsa services judiciaire.

Encore faut-il bien encadrer les attributions du GAM, prévient cependant Jean-Jacques Piéron, délégué syndical du Syndicat des greffiers de France (SDGF/FO). « Il ne faut pas que le greffier serve à faire tout et n’importe quoi pour le magistrat », note-t-il, citant des GAM qui se retrouvent à effectuer « des tâches de secrétariat pur ».

Car si le public connait peu le métier de greffier – des fonctionnaires de catégorie B aujourd’hui recrutés à niveau Bac + 4 ou +5, comme les magistrats – « un greffier ce n’est pas un secrétaire », rappelle Michael Janas.

Au sein d’un tribunal, c’est « l’acteur incontournable qui fait tourner la machine » et « beaucoup d’actes judiciaires ne peuvent pas être réalisés en son absence », relève le directeur de l’ENG où une vingtaine de GAM ont été formés pendant une session de trois semaines, pour l’expérimentation.

En règle générale « l’expérimentation a l’air de fonctionner pas trop mal », considère Hervé Bonglet, dont le syndicat reste cependant aussi attentif aux risques de « dérives » de ces nouvelles attributions.

Au bout du compte dans cette collaboration « le travail il n’y en a pas moins, il est mieux fait », estime le procureur de la République de Rennes, Thierry Pocquet-du-Haut-Jussé. « On est vraiment dans l’idée que le magistrat ne doit pas forcément tout décider », explique-t-il.

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