La construction d’«hôpitaux-prisons» en France accélérée

Article de Thibault Lieurade, paru sur LeFigaro.fr le 9 avril 2010


Action, réaction. Au lendemain de la prise d’otage d’un psychiatre par un homme considéré dangereux à la prison de la Santé, les ministres de la Justice et de la Santé, Michèle Alliot-Marie et Roselyne Bachelot ont annoncé, jeudi, la construction de 17 «unités hospitalières spécialement aménagées» (UHSA) pour des détenus présentant des troubles psychiatriques graves. La construction des neuf premiers «hôpitaux-prisons» est déjà sur les rails et celle des huit autres aura lieu «après 2012», a précisé Roselyne Bachelot. «Nous avons obtenu qu’on n’attende pas d’avoir tiré le bilan du fonctionnement des deux premières UHSA, (le premier doit ouvrir prochainement à Lyon et le second à Rennes, NDLR), pour construire les suivantes», s’est de son côté félicité Michèle Alliot-Marie.


Le Dr Pierre Lamothe, médecin-chef du Service médico-psychologique régional (SMPR) de Lyon explique que ce type d’établissement, « propose une offre de soin supplémentaire pour les détenus afin qu’ils puissent être soignés s’ils le souhaitent, et pas seulement hospitalisés en urgence lors d’une crise». La future structure lyonnaise se divise en trois services. Les détenus seront pris en charge dans l’unité de soins individualisés et prépareront leur réinsertion sociale dans l’unité de vie collective. Enfin, en cas de crise aigüe, ils rejoindront le service des soins intensifs.


Mais les UHSA sont loin de faire l’unanimité. «C’est une solution illusoire» tranche le Dr Luc Massardier, psychiatre à la prison de la Santé et collègue du Dr Canetti, pris en otage mercredi. «Il n’y aura pas assez de places, et puis ça risque d’être rapidement embouteillé, puisque des détenus en placement libre (qui sont autorisés à quitter l’établissement pénitentiaire pour travailler ou se soigner, NDLR) pourront y être admis», juge-t-il, interrogé par lefigaro.fr.


Pour améliorer la détention des malades mentaux et éviter les incidents, «il faut plutôt privilégier les liens qu’ils ont avec l’extérieur, envisager des rapprochements familiaux (et) éviter les transferts» répétés qui provoquent «des ruptures, dans le soin et les contacts avec d’autres détenus, avec les agents», avait recommandé mercredi soir le Dr Canetti sur iTélé. Son «geôlier» durant cinq heures, Francis Dorffer, 26 ans, réclamait son transfèrement en Alsace, près de sa campagne.


A la place des UHSA, le Dr Massardier, d’accord avec le constat de son collègue, préconise «de créer, au niveau départemental, des unités dans les hôpitaux pour les personnes en état d’aliénation». De telles structures, les unités pour malades difficiles (UMD), spécialisées dans le traitement des malades mentaux présentant un état dangereux, existent déjà. Les patients peuvent y être hospitalisés d’office, sans avoir été condamnés au préalable. Mais il n’y en a que cinq en France.


Pour le Dr Louis Albrand, auteur d’un rapport sur le suicide en prison et coordonnateur d’un collectif pour l’humanisation des prisons et des hôpitaux psychiatriques, cet incident relance surtout le débat sur l’exercice de la psychiatrie dans l’hexagone. «La création de ces UHSA, c’est mieux que rien. Mais maintenant il faut s’interroger sur le nombre important de malades mentaux parmi les détenus (20%, NDLR). Il faut réfléchir aux structures de prise en charge psychiatrique. On a fermé 40 000 lits dans les hôpitaux ces dernières années. En Italie, ils développent la psychiatrie «hors les murs» qui permet d’aller soigner les patients et de voir les familles. C’est une piste intéressante», note le Dr Albrand.

source : LeFigaro.fr
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