Justice : quand les victimes rencontrent les condamnés

La «justice réparatrice», dont le principe vient d’être inscrit dans la loi, vise notamment à lutter contre la récidive des auteurs de délits et de crimes. Un moyen pour la victime de demander à l’auteur des faits «pourquoi» il est passé à l’acte, et pour le condamné de prendre conscience des faits.

Mettre en relation une victime et un condamné. C’est le concept audacieux de la justice «réparatrice», qui veut notamment lutter contre la récidive des auteurs de délits et de crimes. Stéphane Jacquot, fondateur de l’Association nationale de la justice réparatrice (ANJR), défend depuis plusieurs années ce principe qui vient d’être inscrit dans la loi. Pour lui, les échanges – épistolaires ou lors de rencontres – permettent à la victime de demander à l’auteur des faits «pourquoi» il est passé à l’acte. «Ces explications sont très peu développées au cours d’un procès», estime-t-il. Quant au condamné, la rencontre peut être «un moyen de prendre conscience des faits», selon Stéphane Jacquot et, ainsi, de limiter la récidive.

La rencontre entre les deux partis est réglementée par une longue procédure et ne peut pas être acceptée pour tous. «L’encadrement doit être lourd», explique Stéphane Jacquot, car «il peut y avoir des détenus proches du suicide après la prise de conscience, ou bien au contraire, qui profitent de l’occasion pour manipuler leur victime». L’administration pénitentiaire, notamment, est souvent réticente et les expérimentations restent rares.

Main tendue

L’un des cas les plus forts remonte à 2002. François Chenu a 29 ans lorsqu’il est assassiné à Reims par un groupe de jeunes néonazis homophobes. Par la suite, les parents, très croyants, ont adressé une lettre en forme de main tendue aux trois meurtriers. Un échange manuscrit naît entre Marie-Cécile et Jean-Paul Chenu et le plus jeune des condamnés. Le couple a dû insister pour convaincre l’administration d’accepter la démarche.

À ce jour, seule la maison centrale de Poissy, dans les Yvelines, pratique cette méthode, depuis 2010. Plutôt que d’établir des face-à-face, l’établissement a préféré organiser des groupes. Les victimes et les auteurs ne sont pas non plus concernés par les mêmes affaires mais par des faits comparables. Brice Deymié, aumônier protestant, a suivi des prisonniers, en marge des rencontres: «La victime ne se retrouve pas en face du véritable auteur des faits. La prise de conscience est donc moins forte, mais l’analyse est plus poussée car sans l’enjeu affectif ils ont plus de liberté de parole.» Le procédé, qui séduit une partie du monde judiciaire, n’a toutefois pas été évalué.

source : lefigaro.fr
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