Grève des avocats : une grande majorité des barreaux en grève

La grève des avocats contre le projet de réforme de l’aide juridictionnelle est désormais suivie par 141 des 164 barreaux de France, a annoncé, lundi 19 octobre, le Conseil national des barreaux (CNB). Si le mouvement de grève consiste à ne pas désigner d’avocats commis d’office, à Paris un appel a été lancé pour ne plus plaider.

« C’est la pagaille, tout prend du retard, les affaires sont renvoyées », a assuré le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, qui a « fait le tour de plusieurs chambres » au Palais de justice de Paris. La colère se fait également sentir en province où « plusieurs barreaux ont décidé de voter une grève totale et illimitée, comme à Laval, Annecy ou Rouen », a précisé le CNB.

Le mouvement de protestation dure depuis une semaine. Le CNB a demandé un rendez-vous à la ministre de la justice, Christiane Taubira, mais dit ne pas avoir reçu de réponse. Il a déjà prévu de mettre au vote « une délibération sur un mouvement de grève générale dans toute la France et de manière illimitée » lors d’une assemblée générale, le 23 octobre.

  • Qu’est-ce que l’aide juridictionnelle ?

C’est le dispositif des avocats commis d’office. L’aide juridictionnelle permet aux personnes à faibles ressources de bénéficier de l’assistance gratuite d’un avocat dans les procédures civiles (divorce, prud’hommes, immobilier, etc.) ou pénales (garde à vue, comparution immédiate, procès correctionnel ou d’assises, etc.). Les juristes sont payés par l’Etat pour défendre leur client.

Les tensions entre les avocats et le ministère de la justice se cristallisent depuis quelque temps autour de la question du financement de l’aide juridictionnelle, garante d’un accès égal à la justice.

Malgré un mouvement de protestation et de grève débutée la semaine dernière, l’Assemblée nationale a voté jeudi 15 octobre le dispositif qui prévoit l’augmentation de la contribution des avocats à ce service. Les intéressés considèrent qu’ils participent déjà largement à son fonctionnement, pour lequel ils s’estiment mal rémunérés au regard des frais réels des cabinets et du temps de travail investi sur ces dossiers.

Lire aussi : Comment fonctionne l’aide juridictionnelle ?

  • Pourquoi les avocats protestent-ils ?

L’Assemblée nationale a voté jeudi soir le volet du projet de budget de l’aide juridictionnelle, qui prévoit un prélèvement de 5 millions d’euros en 2016 et de 10 millions d’euros en 2017 sur les intérêts de fonds placés dans des caisses (Carpa) gérées par les avocats. Le montant de ces produits financiers serait de 75 millions d’euros, selon la chancellerie.

Les avocats l’accusent de vouloir leur faire supporter le financement de services qui relèvent de la solidarité nationale. « Si les pouvoirs publics demandent à notre profession de payer pour des prestations dans lesquelles les avocats travaillent à perte, nous leur disons non », réagit Pierre-Olivier Sur.

La garde des sceaux répète qu’elle ne souhaite pas passer en force sur cette réforme, qui permettra notamment, grâce au relèvement du plafond de ressources de 941 à 1 000 euros, à 100 000 personnes supplémentaires de bénéficier de l’aide juridictionnelle. Parallèlement, l’unité de valeur (rétribution prévue pour une demi-heure de travail) sera réévaluée, de 22,84 euros à 24,20 euros.

  • Quelles sont les premières conséquences de la grève ?

Le mouvement de grève, à Lille, à Lyon ou à Strasbourg, a déjà provoqué le renvoi la semaine dernière de plusieurs audiences en raison de l’absence d’un avocat commis d’office.

En revanche, les gardes à vue ne semblent guère perturbées. « Dès lors que l’officier de police judiciaire a prévenu qu’aucun avocat commis d’office n’était disponible mais que la personne est libre de se faire assister de l’avocat de son choix, la garde à vue peut se poursuivre », explique une source judiciaire lyonnaise.

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