Article publié le 15/12/2010 sur lefigaro.fr
La commission des lois à l’Assemblée a supprimé la disposition de la réforme de la garde à vue prévoyant une «audition libre» d’un suspect non assisté d’un avocat. De son côté, la Cour de cassation reconnaît que le parquet n’est pas une autorité judiciaire indépendante.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a passé au crible le projet de loi sur la réforme de la garde à vue, qui sera discuté en séance publique le 18 janvier prochain. Et rayé certaines dispositions du texte voulues par le gouvernement, notamment celle prévoyant l’exclusion de l’avocat dans une circonstance prévue par le nouveau texte, l’audition dite «libre», un régime dans lequel une personne aurait été interrogée sans contrainte (répondant à une convocation) mais aussi sans assistance.
Les représentants des avocats s’opposaient à ce mécanisme, qu’ils suspectaient d’avoir été créé dans le but d’éviter leur présence, ou en tout cas de la retarder. Philippe Gosselin, rapporteur UMP du texte, estimait également que l’absence totale d’avocat n’était pas conforme aux exigences européennes.
La Commission a aussi adopté, contre l’avis du gouvernement, un amendement prévoyant un contrôle de la garde à vue par le juge des libertés et de la détention et non par le procureur.
Les parlementaires ne se sont pas opposés en revanche au mécanisme envisagé par la Chancellerie pour les enquêtes visant la criminalité organisée, les stupéfiants ou le terrorisme. Dans ces dossiers, les robes noires ne devraient que très exceptionnellement apparaître avant la 24e heure de garde à vue. Même si la Cour de cassation a tout récemment refusé que l’avocat soit écarté de façon systématique, la dernière version du texte permet à l’officier de police judiciaire de demander au procureur, ou au juge des libertés selon les cas, de repousser son intervention à la 24e heure, voire à la 48e ou encore à la 72e pour les affaires de terrorisme. Dans les dossiers les plus sensibles, les policiers disent craindre l’intrusion d’avocats militants ou même complices de leurs clients. Ils redoutent les fuites d’informations. Un amendement de Philippe Gosselin offrant à l’officier de police la possibilité de demander la récusation d’un avocat sera également étudié aujourd’hui.
L’arrivée des avocats dans les commissariats est vécue globalement par les officiers de police comme un danger pour l’enquête. C’est pourquoi le projet rédigé par la Chancellerie après négociation avec le ministère de l’Intérieur prévoit que les officiers de police judiciaire pourront, dans tous les dossiers, invoquer «les besoins de l’enquête» pour retarder l’arrivée de l’avocat à la 12e heure de la garde à vue.
De son côté, la Cour de cassation a rendu un avis attendu sur la compétence des procureurs à prolonger les gardes à vue au delà de 24 heures. Si la Cour estime que le ministère public n’était pas une autorité judiciaire indépendante au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, elle juge que le parquet est en mesure d’ordonner et de prolonger une garde à vue dès lors que celle-ci répond au critère de brièveté imposé par la CEDH. L’article 5-3 de la CEDH prévoit en effet qu’une personne placée en garde à vue soit «aussitôt traduite» devant un juge indépendant.
La Cour de cassation était amenée à se prononcer à la suite d’un pourvoi émanant d’un avocat, Philippe Creissen, placé en garde à vue après un litige avec un de ses voisins sur décision du parquet. L’avocat avait contesté sa garde à vue, estimant que le parquet qui avait ordonné cette garde à vue n’était pas une autorité judiciaire au sens de la CEDH.