Article de Charlotte Menegaux, paru le 14 octobre 2010 sur LeFigaro.fr
En pleine réforme de la garde à vue, la France vient de subir un revers en la matière. Condamnée jeudi par la Cour européenne des droits de l’Homme pour violation du droit à une procédure équitable, elle devra verser 5.000 euros pour dommage moral et 7.000 euros pour frais et dépens au requérant, Claude Brusco.
En 1999, ce dernier croyait être interrogé comme témoin dans une affaire d’agression, et avait prêté serment devant les policiers de dire «toute la vérité, rien que la vérité». Or, sans le savoir, il était déjà en situation de garde à vue comme suspect. Ayant reconnu une partie des faits, Claude Brusco a été condamné en mars 2002 par le tribunal correctionnel de Paris à cinq ans d’emprisonnement, dont un avec sursis, jugement confirmé en appel en octobre 2004. En juin 2006, ses pourvois avaient été rejeté par la Cour de cassation française.
Dans sa requête introduite fin 2006 devant la Cour de Strasbourg, Claude Brusco invoquait notamment l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui souligne le droit à un procès équitable. Il se plaignait d’avoir été obligé de prêter serment avant son interrogatoire, et faisait valoir le droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer.
Au final, les juges de Strasbourg ont constaté que le requérant n’avait effectivement «pas été informé au début de son interrogatoire du droit de se taire, de ne pas répondre aux questions posées, ou encore de ne répondre qu’aux questions qu’il souhaitait». Ainsi ont-ils établi que la France n’avait pas respecté le droit au silence de Claude Brusco, une des «normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable».
Par ailleurs, dans cette affaire, Claude Brusco «n’a pu être assisté d’un avocat que 20 heures après le début de la garde à vue», comme l’ont fait valoir les juges européens. C’est la raison pour laquelle ils ont également plaidé pour que les personnes en garde à vue puissent bénéficier d’un avocat dès le début de la procédure et durant tous les interrogatoires.
L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme intervient opportunément cinq jours à peine avant que la Cour de cassation ne doive se prononcer sur la conformité de la loi française sur les gardes à vue avec la Convention européenne des droits de l’homme. Le parquet général de la Cour de cassation a donné jeudi un sérieux coup de griffe au régime de la garde à vue. Ses représentants ont estimé non conformes aux règles européennes plusieurs dispositions de la loi en vigueur qui limitent la place des avocats. Dispositions qui figurent également dans le projet de loi que vient d’écrire Michèle Alliot-Marie… Si bien que la Chancellerie pourrait être amenée à revoir encore sa copie. La Cour de cassation se prononcera le 19 octobre.