Faut-il des jurés populaires en correctionnelle?

Article publié le 21/06/2011 sur lexpress.fr


Une cinquantaine d’avocats vont déposer à partir de ce lundi des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur les contrôles d’identité devant les juridictions de six villes françaises, a-t-on appris au cabinet de l’avocat parisien Me William Bourdon.

Nicolas Sarkozy veut rapprocher la justice des Français. La gauche y voit de la méfiance envers les magistrats. Et vous?

Après le Sénat, c’est au tour des députés d’examiner, à partir de mardi, le projet de loi sur l’entrée de jurés populaires en correctionnelle et la refonte de la justice des mineurs. Un texte vu par la gauche comme un nouveau geste de défiance à l’égard des magistrats.

Répondant au voeu du président Nicolas Sarkozy de « rapprocher » les Français de leur justice, le texte, présenté en urgence, a déjà été adopté par le Sénat en mai et devrait être définitivement voté avant le 14 juillet. Pour Sébastien Huyghe, rapporteur UMP du texte à l’Assemblée, « le moyen de combler le fossé qui s’est creusé entre les citoyens et la justice », c’est d’abord d’associer les citoyens au jugement des délits (correctionnelle). Actuellement, les jurés populaires ne siègent que dans les cours d’assises qui jugent les crimes.

Les débats à l’Assemblée à partir de mardi promettent d’être houleux. Lors de la discussion au Sénat, l’ancien garde des Sceaux socialiste Robert Badinter avait dénoncé « le mauvais coup porté à une justice qui ploie déjà sous le fardeau », tandis que la sénatrice PS Catherine Tasca avait stigmatisé « une solution populiste, un leurre envoyé aux citoyens ».

« Citoyens assesseurs »

Avec d’importantes modifications de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, le texte a tout du projet fourre-tout: l’Assemblée a ainsi décidé, en commission et contre l’avis du gouvernement, de créer un droit d’appel pour les victimes en cas d’acquittement par une cour d’assises. Le texte propose donc la formation de tribunaux correctionnels ouverts à des « citoyens assesseurs » qui pourront participer au jugement des délits punis d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement. Les députés ont retiré les atteintes à l’environnement de la liste des infractions jugées par cette formation, qui avaient été introduites par le Sénat.

Le texte prévoit aussi que des citoyens assesseurs pourront participer à la justice pénale en matière de décisions d’application des peines.

Par ailleurs, l’Assemblée a adopté en commission un amendement qui prévoit de créer une cour d’assises simplifiée – trois magistrats et trois jurés – pour les crimes punis de 15 à 20 de réclusion.

Un système qui existe déjà aux assises
Le projet avait été lancé en septembre 2010 par Nicolas Sarkozy et le ministre de l’Intérieur d’alors, Brice Hortefeux. Actuellement, les jurés populaires ne siègent que dans les cours d’assises, qui jugent les crimes, alors que les délits sont jugés en correctionnelle par des magistrats professionnels. Cela concernerait environ 40.000 délits par an (première instance et appel). Actuellement, 2.600 décisions sont rendues annuellement par des cours d’assises avec jurés.

« Visées électoralistes »
En commission, le député Dominique Raimbourg (PS) a dénoncé « une réforme à la constitutionnalité douteuse en ce qui concerne les majeurs et une anticonstitutionnalité certaine en ce qui concerne les mineurs ». Noël Mamère (Verts) a souligné les « visées électoralistes » d’un texte qui « veut faire persister l’idée que les magistrats seraient trop laxistes » et « démanteler la justice des mineurs ».

Le texte, préparé en vue d’une « mise en oeuvre progressive » dès 2012, selon Michel Mercier, prévoit que pour les atteintes aux personnes les plus graves (violences aggravées, agressions sexuelles, vols avec violence), des citoyens tirés au sort sur les listes électorales siègeront au côté des magistrats.

Les syndicats de magistrats sont très critiques envers ce projet jugé « illisible », « pas financé » et qui va « instaurer des différences de traitement entre justiciables ». »Comme le gouvernement a abandonné la réforme de l’instruction, il fallait vendre quelque chose à l’opinion publique avant la présidentielle de 2012″, dénonçait déjà en avril Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

source : lexpress.fr
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