Faciliter l’accueil et l’insertion des « tigistes » au sein de la collectivité

Beaucoup de collectivités accueillent dans leurs services des personnes condamnées à une peine de travail d’intérêt général (TIG). Cependant des freins subsistent, souvent en raison d’un manque de connaissance de la démarche et du rôle des tuteurs.

Ce que dit la loi

Le travail d’intérêt général (TIG), créé par la loi du 10 juin 1983, et précisé par le décret n° 83-1163 du 23 décembre 1983 relatif au travail d’intérêt général (TIG), est une sanction pénale prononcée par le tribunal correctionnel ou de police à l’égard d’un majeur ou d’un mineur de plus de 16 ans, qui en a accepté le principe lors du procès. Il prend la forme d’un travail non rémunéré à exécuter au profit d’une collectivité, d’un établissement public ou d’une association habilités par la justice.
La durée d’un TIG est comprise entre 20 et 120 heures en matière contraventionnelle et entre 20 et 210 heures en matière délictuelle. Les collectivités locales qui accueillent les « tigistes » ne sont pas habilitées à connaître le casier judiciaire et l’infraction commise par le condamné.
Même si l’exécution du TIG s’effectue dans les services de la collectivité, l’Etat est considéré comme l’employeur et, à ce titre, se charge du règlement des cotisations au régime général de la sécurité sociale. Il est également responsable d’un éventuel dommage qui serait causé à autrui par la personne condamnée et qui résulterait directement de l’application d’une décision comportant l’accomplissement d’un TIG.

Le travail d’intérêt général (TIG) a fêté ses 30 ans, en décembre 2013.

L’occasion pour la garde des sceaux, Christiane Taubira, de saluer l’implication des collectivités et « la mobilisation essentielle des élus » dans la prise en charge de cette sanction pénale. Objectif de cette mesure emblématique de la prévention de la récidive : sanctionner en faisant exécuter, dans une démarche réparatrice, une activité non rémunérée au profit de la société.

 Quelle que soit leur taille, les collectivités sont nombreuses à mettre à disposition de la justice des postes d’accueil. Selon le ministère de la Justice, en 2012, 4 935 mesures de TIG ont été prononcées par les juges des enfants pour des mineurs de 16 ans. 34 096 mesures de TIG « majeurs » étaient suivies au 1er janvier 2013 par la centaine de services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), soit une augmentation de 5,7 % par rapport à l’année précédente.

Une peine qui est donc au cœur du partenariat entre la société civile et la justice. « Il est capital que les collectivités prennent leurs responsabilités et apportent leur pierre à l’édifice. Et la ville joue pleinement son rôle. Elle accueille 300 tigistes chaque année », indique Myriam El Khomri, adjointe au maire (PS) de Paris, chargée de la prévention et de la sécurité. « Le TIG permet de sanctionner sans désocialiser. Il représente une perspective, celle de l’insertion sociale », insiste-t-elle.

Pas assez de postes

Généralement appréciée, cette peine rencontre pourtant des difficultés de mise en œuvre. Le rapport parlementaire de janvier 2013 du député (PS) Dominique Raimbourg sur la surpopulation carcérale avait pointé « l’insuffisance persistante du nombre de postes susceptibles d’être occupés », proposant ainsi de rendre obligatoire, notamment dans les collectivités, la création de postes « en fonction des effectifs de la structure ».

Sont visés également, les délais d’accomplissement de la peine, souvent longs, alors que justement « le TIG permet d’avoir une rapidité dans l’exécution de celle-ci », estime Jean-Luc Deroo, ancien maire (PS) d’Halluin.

Conscient de l’enjeu, le ministère de la Justice tente de faire connaître la démarche et le rôle des tuteurs qui encadrent au quotidien les tigistes. Un guide pratique à l’usage des structures d’accueil, « Le travail d’intérêt général », a été publié en novembre 2013.

Objectifs : préciser les contours de cette fonction essentielle pour le succès de la mesure et qui s’appuie sur des agents volontaires et des bénévoles. Un guide également destiné à balayer les idées reçues telles que « accueillir un TIG représente un surcroît de travail et coûte de l’argent à la structure d’accueil ».

Trois conseils

Définir une offre de postes diversifiée

Les juges sont d’autant plus enclins à prononcer des mesures de TIG qu’ils disposent de postes proposés par les collectivités locales. La première formalité pour celles qui décident de s’inscrire dans ce dispositif consiste donc à proposer aux juges, aux services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), un ou plusieurs postes de travail, réservés aux majeurs ou aux mineurs.
Les tâches confiées peuvent être techniques – travaux d’entretien, manutention, nettoyage – ou administratives, voire relever de l’accueil, de l’aide à la personne. La variété des postes et des tâches permet aux services judiciaires d’orienter au mieux, selon leurs profils, les personnes condamnées.

 Mobiliser les services et valoriser le rôle des tuteurs

Mobiliser les directions et les services de la collectivité est essentiel pour s’engager dans une démarche qui suscite parfois des réticences, voire des craintes vis-à-vis des personnes condamnées. En effet, pour certains, l’accueil de TIG introduirait dans la structure un risque d’insécurité. Les incidents, pourtant extrêmement rares, entraînent automatiquement la fin du TIG. L’implication de volontaires bénévoles motivés dans les services accueillants est indispensable.
Ces tuteurs encadrent au quotidien la réalisation des tâches et sont donc des acteurs essentiels du dispositif, dont le rôle est aussi discret que méconnu. Interlocuteurs privilégiés des services judiciaires, ils conditionnent la réussite de la mesure. Un objectif peut être de valoriser leur fonction. Des sessions d’information au profit de tuteurs potentiels et de retours d’expériences de leur activité peuvent être mises en place.

 Appréhender le TIG comme un temps d’insertion professionnelle

Les travaux proposés doivent avoir une utilité sociale et, autant que possible, une portée pédagogique. Immergé dans le service de la collectivité qui l’accueille pour exécuter sa sanction pénale, le tigiste doit réaliser le travail qui lui est confié.
Le TIG revêt alors un caractère formateur et peut constituer une plus-value dans une démarche d’insertion. Il peut être une occasion pour les personnes condamnées d’amorcer un parcours de réinsertion professionnelle et de retour à l’emploi.

 Bordeaux : des « agents » presque comme les autres

C’est en 2008, via une convention avec le ministère de la Justice, que la ville de Bordeaux a donné une nouvelle impulsion à l’accueil de TIG dans ses services. Les postes ont été diversifiés et 20 personnes peuvent être reçues simultanément dans 16 services ou directions : jardins publics, cimetières, propreté, police municipale montée et musées, lieux les plus sollicités. Entretien, manutention, archivage, accueil, surveillance : autant de tâches confiées à des personnes condamnées en majorité à des peines de 70 et 80 heures.

Un suivi post-TIG
« Entre 2011 et 2013, plus de 300 personnes ont effectué un TIG pour un volume de près de 20 000 heures de travail », précise Eléonore Bécat, chargée de mission prévention de la délinquance. Un bilan quantitatif positif dû au partenariat renouvelé entre la ville et le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de Gironde. Pour certains « tigistes », l’opportunité de découvrir le monde du travail, avec des « rencontres professionnelles incroyables ».

« Nous voulons intégrer ces personnes comme des agents municipaux, donc avec les mêmes exigences. C’est dans ces conditions que cela fonctionne le mieux », souligne Eléonore Bécat. La municipalité a également décidé de veiller au « suivi post-TIG ».

La ville propose de conserver les CV en vue d’un éventuel recrutement en contrat à durée déterminée (CDD). Second moyen mis en œuvre, une démarche de qualification professionnelle est enclenchée. Le tigiste est mis en contact avec un organisme de formation. Une première étape qui peut lui permettre, à terme, de revenir dans les services de la collectivité dans le cadre d’un apprentissage. Depuis mai 2012, une quinzaine de personnes a intégré cette plate-forme de formation.

Contact. e.becat@mairie-bordeaux.fr

En chiffres. – 16 directions et services de la ville de Bordeaux accueillent des TIG – 3 500 € versés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) en 2013 – 24 tigistes et 1 425 heures depuis début 2014.

 

source : Courrierdesmaires.fr
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