Entre la région d’outre-mer et la métropole, le trafic de drogue explose. Premier épisode de notre série : reportage sur les rives du fleuve Maroni, à la frontière avec le Suriname, à l’épicentre de la filière.
Cocaïne, les filières guyanaises (1/3). Des débarcadères de fortune, une église évangélique, des magasins encombrés de palettes… Au premier abord, Albina ne ressemble en rien à un site majeur du trafic international de cocaïne. C’est pourtant par cette commune de 5 000 âmes que transitent toutes les « mules » à destination de la France. Un point d’ancrage gagné sur l’immensité de la forêt équatoriale, où l’humidité corrompt les édifices avant même qu’ils ne soient achevés. Sous les fenêtres du poste de police, des dockers en claquettes piétinent les berges boueuses du Maroni. Une file désordonnée de taxis s’étire le long du fleuve, portes ouvertes, musique à plein volume. Notre pirogue rejoint ces quais anarchiques à la pointe du jour. Nous voici au Suriname, ancienne colonie des Pays-Bas, sans document de voyage. Peu importe : personne ne songe à demander un passeport aux visiteurs en provenance de la rive guyanaise.
L’homme qui nous a conduits ici est un trentenaire bedonnant aux yeux rougis de fatigue. Shamma, un prénom d’emprunt (les noms de certains témoins et de tous les trafiquants cités dans cette enquête ont été modifiés), est né à Albina au début des années 1980. Discret sur ses activités, se disant à la fois « piroguier, débardeur et négociant », il a tant navigué entre le Suriname et la France qu’il connaît en détail tous les trafics de ce village-frontière. « Les pains de cocaïne sont partout, confie-t-il avec flegme. C’est à peine caché… »
Il commence par désigner la vitrine d’un magasin exposant des échantillons de carrelage : « Le propriétaire a de bons contacts avec la police, il vend uniquement sa cocaïne par lots de dix kilos. » Un peu plus loin, dans une allée poussiéreuse, il montre une femme qui somnole derrière une rangée de pastèques : « Celle-là, à condition de bien négocier, elle peut lâcher le kilo à 3 500 euros. Son business de fruits, c’est une couverture qui ne trompe personne. Ça lui sert à être au bord du Maroni. Elle paie la police, bien sûr… Chaque trafiquant a son référent. Quand il y a un problème, c’est lui qu’on appelle. Si vous êtes généreux, il peut même vous livrer le produit de l’autre côté du fleuve, en Guyane. »
Retrouvez l’intégralité de l’article (et les autres épisodes) sur le site d’origine.