En correctionnelle, l’« emprisonnement ne peut être prononcé qu’en dernier recours ». Voilà pour le principe. Dans les faits, les prisons françaises – qui comptent près de 70 000 détenus – n’ont jamais été aussi surpeuplées.
Les maux de la pénitentiaire sont bien connus : surpopulation, promiscuité, violences entre détenus mais aussi envers le personnel… et, à la sortie, un fort taux de récidive. C’est dans ce contexte que le collectif justice-prison – composé de 26 organisations, acteurs et observateurs du champ pénal et carcéral – lance aujourd’hui un appel aux parlementaires pour les inciter à « observer l’ensemble du parcours pénal » sans se contenter de créer de nouvelles places de prisons.
« Des groupes de réflexion sur la prison ont été lancés il y a peu à l’initiative de la commission des lois, ce qui est une bonne chose, concède Cécile Marcel, directrice de l’Observatoire international des prisons (OIP). Mais nous appelons les parlementaires, plus globalement, à questionner la façon avec laquelle l’incarcération est et reste une référence centrale au plan pénal. »Lui emboîtant le pas, le président de la Ligue des droits de l’homme, Malik Salemkour, a déploré que « dans l’imaginaire collectif, la sévérité passe par le bannissement », et donc par la prison.
Reconsidérer la place de la prison dans le système pénal
Le collectif appelle, notamment, à questionner le recours accru aux comparutions immédiates, une procédure expéditive « avec une audience d’une durée moyenne de trente minutes lors de laquelle ni les juges, ni les avocats n’ont le temps de prendre connaissance du dossier », selon Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature (SM). Dans « 70 % des cas » elles débouchent sur une peine de prison. Elle incite ainsi les élus à assister à ces audiences pour comprendre comment elles peuvent être « huit fois plus pourvoyeuse de prison que les audiences classiques ». L’objectif : convaincre le parlement d’encadrer au maximum le recours à une telle procédure.
Le collectif plaide par ailleurs pour le développement des peines alternatives à la prison et des aménagements de peine (sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, bracelet électronique, centre de semi-liberté). Rappelant que 19 000 individus incarcérés avaient un reliquat de peine de moins d’un an, la secrétaire nationale de la CGT insertion et probation, Delphine Colin, a rappelé que si le panel des peines en milieu ouvert « était pleinement utilisé, il n’y aurait plus de surpopulation en prison ». Elle a aussi appelé les élus à allouer davantage de moyens aux agents concernés.
15 000 nouvelles places de prison
L’appel du collectif justice-prison ne doit rien au hasard. L’Élysée doit en effet annoncer dans les prochains jours un « plan pénitentiaire global ». Le président Macron devrait réitérer l’un de ses engagements de campagne – la création de 15 000 nouvelles places de prison – et accélérer le plan de construction annoncé sous le gouvernement Valls en septembre 2016, mais non financé.
Seuls en effet 26 millions d’euros ont été prévus dans le budget 2018 pour un programme dont le coût total est évalué à deux milliards d’euros.
Emmanuel Macron devrait par ailleurs, selon Le Monde, annoncer l’ouverture d’établissements « ouverts » – des prisons rapides à construire et moins coûteuses que les centres classiques. Et ce à destination des délinquants condamné à une courte peine. La présidente de la commission des lois, Yaël Braun Pivet (LREM), qui a lancé plusieurs groupes de travail sur la question carcérale, plaide pour la diversification du parc carcéral et, plus particulièrement, pour la création de prisons ouvertes. Et ce à l’instar de ce qui existe dans plusieurs pays nordiques, et notamment au Danemark.
Parallèlement, la ministre de la justice Nicole Belloubet travaille à l’écriture d’un projet de loi de programmation – présenté au printemps au conseil des ministres – comprenant tout un volet sur l’exécution des peines. Elle-même convaincue de l’inutilité des courtes peines de prison, la garde des Sceaux compte créer une « Agence nationale » du travail d’intérêt général. Et ce afin que cette peine – très consensuelle – soit davantage prononcée.
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