Des associations dénoncent les comparutions immédiates

Vingt-six associations ont écrit aux parlementaires pour alerter sur une procédure qui envoie 8,4 fois plus en prison qu’une audience ordinaire.

LE MONDE |   • Mis à jour le  | Par  Jean-Baptiste Jacquin

Le gouvernement aurait-il omis de s’emparer de certains leviers pour aborder la question de la surpopulation chronique qui affecte les prisons françaises ? Un collectif de vingt-six associations et syndicats liés à l’univers de la justice le craint et a décidé d’interpeller les députés et sénateurs.

Un courrier adressé le 6 février aux membres des commissions de lois des deux Assemblées les invite à s’interroger en particulier sur les audiences en comparution immédiate, « la procédure la plus pourvoyeuse d’incarcération », affirment-elles dans une note séparée. L’Observatoire international des prisons, le Syndicat de la magistrature, le Secours catholique, la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat des avocats de France et la Croix-Rouge figurent parmi les signataires.

Pas « d’urgence absolue »

Le moment a été choisi alors que l’exécutif est au chevet de la peine de prison. Emmanuel Macron a demandé un plan pénitentiaire global pour répondre à la fois à la question de la surpopulation carcérale en construisant 15 000 places, au malaise des surveillants et au déficit en matière de prévention de la récidive. Une trentaine de maisons d’arrêt, là où sont emprisonnées les personnes non encore jugées ou condamnées à de courtes peines, dépassaient au 1er janvier un taux d’occupation de 150 %. Par ailleurs, l’un des volets du projet de réforme de la justice sur lequel travaille la garde des sceaux, Nicole Belloubet, porte justement sur « le sens et l’efficacité des peines ».

Mais pour ces associations, le gouvernement s’attaque aux conséquences, pas aux causes du problème. Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, cite une étude selon laquelle la procédure de comparution immédiate, lorsque les personnes sont jugées au sortir de leur garde à vue, multiplie par 8,4 la probabilité d’un emprisonnement ferme par rapport à une audience correctionnelle ordinaire, à infraction équivalente. Elle dénonce une « justice expéditive » pour des délits (principalement des vols, infractions liées aux stupéfiants, violences non aggravées, infractions routières, etc.) « qui ne justifient pas de juger en urgence absolue ».

Préoccupations de « gestion de flux »

C’est le procureur, qui décide souverainement, dans le respect des directives de politique pénale issues du ministère de la justice, de l’orientation procédurale de ces dossiers. Ainsi, selon ces associations, le gouvernement pourrait, s’il le souhaitait restreindre le champ de la comparution immédiate. Selon les derniers chiffres, 49 220 affaires ont été jugées selon cette procédure en 2016, soit 55 % de plus en quinze ans. Une croissance qui ne reflète pas l’évolution de la délinquance. De fait, le recours croissant à cette procédure répond à des préoccupations de « gestion de flux » des juridictions.

Quant aux peines alternatives à l’incarcération sur lesquelles travaille la chancellerie, les signataires de cet appel se félicitent de la volonté d’augmenter le recours au travail d’intérêt général mais s’inquiètent des intentions en matière bracelet électronique. Ils plaident pour un meilleur accompagnement par les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation, avec par exemple le placement extérieur comme aménagement de peine ou peine alternative, plutôt qu’un bracelet qui réduit le suivi à un contrôle technique des heures de sortie et de rentrée de la personne condamnée. Autant de sujets qui devraient surgir lors des débats parlementaires sur le projet de réforme de la justice avant l’été.

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