Une détenue travaillant pour une plateforme téléphonique avait été écartée de ses fonctions pour avoir passé des coups de téléphone personnels. La cour d’appel de Paris lui a accordé des indemnités, en précisant toutefois que l’engagement qui la liait à son employeur n’était pas un contrat de travail.
La cour d’appel de Paris a estimé jeudi que l’engagement qui liait une détenue à la société l’employant en prison n’était pas un contrat de travail, mais a néanmoins accordé à la première des indemnités, en compensation de sa rémunération «dérisoire». La cour a donc infirmé le jugement prononcé en première instance, en février 2013, par le conseil des prud’hommes, pour qui la société devait être considérée comme «employeur à des conditions particulières», tout en sanctionnant les conditions de rémunération liant la détenue à la société, selon un arrêt consulté par l’AFP. Une décision «mi-figue, mi-raisin», selon l’un des conseils de la plaignante, Me Julien Riffaud.
Marilyn Moureau, qui travaillait pour la plateforme téléphonique MKT Societal en détention provisoire à la maison d’arrêt pour femmes de Versailles, avait été signalée par la société pour avoir passé des appels téléphoniques personnels pendant son temps de travail. A la demande de la société, elle avait été écartée de ses fonctions par l’administration pénitentiaire, sans compensation.
Selon l’article 717-3 du code de procédure, «les relations de travail d’une personne incarcérée ne font pas l’objet d’un contrat de travail». La loi pénitentiaire de 2009 a bien institué un «acte d’engagement» entre le chef d’établissement et la personne détenue, qui doit prévoir description du poste, horaires et missions à réaliser, mais il ne peut être assimilé à un contrat de travail.
En février 2013, le conseil des Prud’hommes de Paris avait néanmoins estimé que MKT Societal devait être considéré comme «employeur dans des conditions particulières» et que la suspension de Marilyn Moureau était assimilable à un licenciement. Il avait condamné la société à verser des indemnités compensatrices, des dommages et intérêts et un rappel de salaire.
La cour d’appel de Paris a elle estimé que «l’engagement au travail ne (présentait) pas les critères d’un contrat de travail de droit commun» et a rejeté la demande de requalification de Marilyn Moureau. Mais elle a aussi considéré que «le fait que le travail soit accompli en détention ne saurait justifier à lui seul le montant dérisoire accordé, très inférieur au montant du minimum légal, dès lors qu’il ne peut permettre à Mme Moureau de faire face à ses besoins», ainsi qu’aux dépenses éventuelles «résultant de sa condamnation pénale» et liées à «la préparation de sa sortie». La juridiction du deuxième degré lui a, dès lors, accordé 2 358 euros au titre de rappels de salaires.
«On a fait 50% du chemin. Il appartiendra à la Cour de cassation de faire le reste», a commenté l’autre conseil de Marilyn Moureau, Me Fabien Arakelian.