«Les politiques n’ont pas envie d’entendre parler de précarité»

interview – Alors que 8 millions de français vivent sous le seuil de pauvreté, le Secours Catholique crée un journal pour permettre aux plus pauvres de se faire entendre.

François Soulage, président du Secours Catholique, a créé Paroles de Sans voix, un journal qui donne la parole aux personnes en situation précaire.

 

Pourquoi avez-vous créé ce journal ?

 

Ce journal, que nous avons créé avec Amnesty International et ATD Quart-Monde, sera inséré mardi dans 25 journaux quotidiens. Nous pensons que raconter dans ce journal, un mois avant l’élection présidentielle, la situation des plus pauvres, et ce qu’ils font pour s’en sortir, est une manière pour eux de prendre la parole dans le débat, et de se faire entendre à travers la presse.

 

Vous avez organisé des rencontres entre les personnes en situation de précarité et les candidats à l’Elysée. Comment ont-ils réagi ?

 

Il faudrait demander aux candidats! Nous, nous avons constaté qu’ils ne savent pas quoi répondre aux personnes directement concernées par la pauvreté. Quand une personne leur raconte qu’elle galère tous les matins, parce qu’elle vit en centre d’hébergement, pour aller scolariser sa fille à Argenteuil, alors qu’elle est à Herbley un jour, au Tremblay le lendemain, le candidat, il n’a rien à dire, il ne sait pas quoi répondre.

 

Parce qu’il n’y aurait aucune solution pour aider ces personnes ?

 

Absolument pas. La raison est que, confonté à ces personnes, tout le discours du candidat butte sur une réalité. Donc ça les embête. Y compris les politiques les plus honnêtes, puisqu’ils savent bien que la précarité n’est pas un sujet aussi simple que ça. Ils n’ont pas envie de faire de promesses, et ils n’ont pas envie d’entendre parler de ces problèmes.

 

A moins d’un mois de l’élection présidentielle, quelles sont vos revendications ?

 

La première mesure porte sur le logement. C’est la mesure de base pour lutter contre la précarité. Aujourd’hui, il y a une explosion de la demande de logements. On a fait une loi qui oblige les gens placés en hébergement à y rester tant qu’il ne trouvent pas de logements, et comme il n’y a pas de logements, ils restent dans les hébergement. Voilà le problème, et il n’y a pas de places pour les nouveaux arrivants. Et lorsqu’on veut créer des situations intermédiaires, c’est à dire des relais, les administrations nous font les pires ennuis. On est dans un système qui est bloqué.

 

Ensuite, il y a un effort considérable à faire sur la garde des enfants. Moins d’une femme sur dix que nous recevons au Secours Catholique a un emploi stable. Elles ont des emplois qui ne leur permettent pas d’assurer la garde de leurs enfants.

 

Nous demandons l’augmentation réelle des minimas sociaux. Le pouvoir d’achat des pauvres ne cesse de diminuer, alors que leurs dépenses pour les transports, le logement, et l’énergie, sont de plus en plus élevées.

 

La dernière mesure porte sur les demandeurs d’asile. Nous réclamons le droit au travail des gens qui sont en attente d’une décision. Sinon, ça crée de la délinquance, de la débrouille tout simplement ! Pour le moment, aucun candidat ne s’est engagé sur ce point.

 

Comment l’expliquer?

 

Peut-être que c’est trop difficile à faire admettre à l’opinion publique aujourd’hui. Face à la crise, chacun se sent en compétition avec les autres. Alors on se dit que si on donne le droit de travailler aux personnes légalement présentes en France, ils vont voler le travail des Français. Mais ils sont légalement présents, on n’a pas le choix !

 

Propos recueillis par ESTHER LAGARDE

source : Libération.fr
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