Le travail d’intérêt général sera « considérablement étendu »… notamment aux entreprises

 

Le rapport qui va servir de base à la refonte du travail d’intérêt général propose d’en faire une sanction à part entière et de l’étendre aux entreprises. Il recommande aussi un recours accru aux collectivités territoriales présentées comme « un facteur de réussite ». Les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance pourraient être davantage sollicités…

Le président de la République a annoncé, mardi 6 mars à Agen, que le recours aux travaux d’intérêt général TIG serait « considérablement étendu ». Il veut en faire un exemple de la refondation pénale préparée par la ministre de la Justice, avec le souci de redonner du sens à la peine et de désengorger les prisons… Les peines de moins de six mois seraient ainsi exécutées hors de prison.
Le TIG « doit être conçu non pas comme une petite peine, à la marge, mais nous devons au contraire créer les conditions pour qu’il soit une peine significative, contraignante mais qui réintègre le condamné dans la société par le travail et la réparation », a déclaré Emmanuel Macron. Plutôt que d’envoyer les chauffards exécuter de courtes peines de prison, ils pourront ainsi exécuter une mission d’intérêt général en hôpital. « Je n’ai aucune sympathie que ce soit pour les chauffards », a déclaré Emmanuel Macron, « mais il faut sanctionner d’une peine graduée qui permette de lutter contre la récidive, qui facilite la réinsertion ».
Pour mettre en œuvre cette mesure, le gouvernement s’appuiera sur un rapport remis à la ministre de la Justice Nicole Belloubet, lundi. « C’est un bon rapport, il sera appliqué », a jugé le chef de l’Etat.
Ce rapport a été réalisé par le député de la Côte-d’Or Didier Paris (vice-président de la commission des lois de l’Assemblée nationale) et par David Layani, président fondateur du Onepoint, une startup spécialisée dans la transmission numérique. Il reprend l’idée d’Emmanuel Macron d’instaurer une Agence nationale des travaux d’intérêt général. Le rôle de cette agence sera d’opérer un changement d’échelle, alors qu’en 2016, les TIG ne représentaient que 6% des peines prononcées (avec 36.428 mesures), principalement pour des délits routiers, des violences volontaires ou infractions liées aux stupéfiants.

Manque de lisibilité

Les deux rapporteurs ont relevé plusieurs freins. « La peine de travail d’intérêt général souffre d’un manque patent de dynamique, lié tout autant à la faiblesse des prescriptions judiciaires, qu’à la complexité de sa mise en œuvre et la durée excessive de son exécution », constatent-ils. Ils déplorent un manque de structures d’accueil et « un manque patent de lisibilité » : « Les magistrats, parce qu’ils craignent qu’elle ne soit pas exécutée ou parce qu’ils ne la jugent pas ‘crédible’, en limitent son utilisation à certains profils ou délits. » Et si le film de Ken Loach La Part des anges a peut-être fait un peu pour populariser cette mesure, l’opinion reste, elle aussi, sceptique…
Les auteurs préconisent de revoir l’échelle des peines pour en faire une sanction à part entière et non plus seulement une alternative à l’incarcération. Le TIG s’appliquerait ainsi, comme le souhaite le président, « aux peines d’emprisonnement fermes inférieures ou égales à six mois ». Les auteurs souhaitent aussi revenir sur le consentement de l’auteur, actuellement nécessaire. « Cette situation ne favorise pas, dans l’esprit du public, voire du condamné lui-même, la perception du caractère de sanction. »

Ils recommandent de faire passer la durée maximale du TIG de 280 heures à 500 heures pour les majeurs et de ramener à un an le délai d’exécution de la peine (contre dix-huit mois aujourd’hui) afin qu’elle garde « tout son sens, sa valeur et sa crédibilité ».

Etendre les TIG au secteur marchand

Concernant les structures d’accueil, le rapport propose d’étendre les TIG au secteur marchand, à titre expérimental. A l’heure actuelle, « seules les personnes morales de droit public, celles de droit privé chargées de missions de service public et les associations sont autorisées à accueillir des TIG », rappellent-ils. L’ouverture aux entreprises « serait un levier puissant de dynamisation ». « Les acteurs économiques y sont globalement favorables et elle est plutôt perçue positivement dans le monde judiciaire. » Par ailleurs, l’accueil en entreprises permettrait une meilleure prise en compte du parcours d’insertion. Toutefois, ce recours aux entreprises serait très encadré : adhésion de l’employeur à la politique de Responsabilité sociale des entreprises (RSE), adhésion à une « charte des valeurs », contrôle de l’utilité sociale des travaux proposés, nombre limité de personnes en TIG…
Les auteurs souhaitent aussi étendre la possibilité de recourir aux TIG dans les entreprises chargées d’une mission de service public. Cette possibilité a été ouverte par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Mais elle est limitée en pratique à de grandes entreprises telles que la SNCF ou la RATP. Il s’agirait de préciser dans le Code pénal qu’il peut être effectué « au profit d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou délégataire d’une mission de service public… ».
Le rapport propose aussi d’étendre les clauses d’insertion dans les marchés publics aux TIG.

Les auteurs rappellent que le TIG est un outil efficace contre la récidive : « le taux de récidive est de 34% après un TIG contre 61% après une peine de prison ferme ». Afin d’aller plus loin dans la prévention et la réinsertion, ils proposent d’intégrer à l’exécution du TIG « un lien obligatoire avec les dispositifs publics d’orientation » : prise en charge au titre du service public de l’orientation assurée par les régions, bilan de compétence (mission locale, Afpa…), inscription dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie…

Les collectivités, un facteur de réussite

L’agence nationale pourrait être chargée de négocier un plan de progression pluriannuel avec les grandes administrations régaliennes (justice, police, gendarmerie, défense, sécurité civile, sécurité routière, santé…). Un tel plan pourrait aussi être envisagé avec « les plus grandes collectivités territoriales que sont, a minima, les régions, les départements et les métropoles ». Les collectivités sont « du fait de leur maillage territorial et de la diversité des postes, ainsi que de leur rôle économique et social, un facteur déterminant de réussite », estiment les auteurs. Les plans départementaux de prévention de la délinquance devront présenter, « en étroite concertation avec les associations départementales d’élus (au premier rang desquelles l’AMF) », un rapport annuel d’exécution et de suivi des travaux d’intérêt général. Les plans communaux ou intercommunaux de prévention de la délinquance devront aussi contenir une mention sur l’exécution des travaux.
Les rapporteurs proposent d’inscrire le TIG comme critère d’éligibilité au FIPD (Fonds interministériel de prévention de la délinquance) dans la prochaine loi de finances. En 2017, seul 7,3% du budget du FIPD leur était consacré.

par Michel Tendil le 8 mars 2018

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