Le régime de la garde à vue à la française est une exception en Europe

Article publié sur LeMonde.fr le 05 janvier 2010


La garde à vue à la française constitue une exception en Europe. Une étude de législation comparée du Sénat dans six pays européens (Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Espagne et Italie), diffusée lundi 4 janvier, met en évidence l’isolement des pratiques françaises sur deux points importants : le champ de la garde à vue et la présence des avocats.


Champ de la garde à vue. Dans la plupart des pays européens, le placement en garde à vue n’est possible que pour les infractions d’une certaine gravité. En Allemagne, elle est limitée aux infractions passibles d’au moins six mois de prison. En Espagne, il faut qu’un suspect soit passible d’une peine d’au moins cinq ans de prison. En France, la garde à vue est possible « pour les nécessités de l’enquête » pour toute personne à l’encontre de laquelle il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction », sans seuil de peine. On en a dénombré 577 816 en 2008.


Le projet de réforme de procédure pénale veut limiter les gardes à vue aux infractions passibles d’une peine d’emprisonnement. La chancellerie a abandonné l’idée proposée par le comité Léger de réflexion sur la procédure pénale de créer une retenue judiciaire de six heures, sans accès à un avocat. Mais le ministère étudie la possibilité d’avoir recours à une garde à vue plus courte de six à huit heures (avec les mêmes droits que le régime commun), notamment pour les délits routiers.


Les avocats français ont engagé une véritable bataille pour demander une plus grande présence en garde à vue, en s’appuyant sur plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Certains ont créé une association – Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat – pour diffuser des modèles de recours afin de contester des gardes à vue. Le Sénat leur apporte de nouveaux arguments. A l’exception de la Belgique, les personnes placées en garde à vue bénéficient d’un avocat dès qu’elles sont privées de liberté. Les défenseurs assistent aux interrogatoires. En Allemagne, les policiers peuvent interroger les suspects sans avocat, mais l’interrogatoire doit être interrompu si le suspect demande à en consulter un.


En France, les droits de l’avocat sont nettement plus réduits. Un gardé à vue peut s’entretenir trente minutes avec son avocat, mais celui-ci n’a pas connaissance du dossier. La réforme de la procédure pénale en chantier place Vendôme renforce faiblement ces droits. L’avocat pourra intervenir à la première et à la douzième heure de la garde à vue. Les droits n’augmenteront qu’en cas de prolongation de la garde à vue au-delà de 24 heures (ce qui concerne 100 593 gardes à vue). Dans ce cas, les avocats pourront assister aux interrogatoires de leurs clients et avoir accès aux procès-verbaux.

source : LeMonde.fr
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