Le psychiatre Daniel Zagury dénonce « la stigmatisation démagogique » de la récidive

Article de Patricia Jolly, paru le 10/12/10 sur lemonde.fr



Le procès de Thierry Devé-Oglou – accusé du meurtre d’Anne-Lorraine Schmitt en 2007 et déjà condamné pour un viol remontant à 1995 – relance le débat sur la récidive des délinquants sexuels, et sur la fiabilité des expertises psychiatriques déterminant leur « dangerosité ».


Daniel Zagury, expert psychiatre près la cour d’appel de Paris, souligne que cette dangerosité est « une notion prospective, statistique, probabiliste dont la certitude est exclue , et que si le psychiatre a sa place dans l’évaluation de la dangerosité, il n’en a pas l’exclusivité ».


« Il ne s’agit plus pour le psychiatre de diagnostiquer et traiter une maladie, rappelle-t-il, mais de pronostiquer que le sujet est porteur – ou non – de facteurs de risque. » Et cette opération n’est pas aisée. « Car le coupable de la récidive devient l’expert psychiatre, ou d’autres acteurs de la chaîne pénale auxquels on reproche d’avoir fait une mauvaise évaluation », déplore le docteur Zagury.


« Cette stigmatisation démagogique est contre-productive, estime-t-il, car elle terrorise les acteurs de la chaîne pénale tout en offrant aux pervers une incitation à la récidive, puisqu’ils n’en sont plus tenus pour responsables. »


Le risque zéro est une quête « illusoire car inhumaine », selon le docteur Zagury, qui dénonce « l’utilisation de ces drames humains à des fins politiques et électoralistes ».


Diminuer encore ce phénomène de récidive lui semble cependant possible. « La balle est dans le camp des politiques, assure-t-il. Ils doivent contribuer à mettre en place une chaîne d’interventions rationnelles, et adopter – comme c’est le cas au Québec – le même discours que tous les autres acteurs de cette chaîne sur l’efficacité de la libération conditionnelle et de l’encadrement par rapport à la récidive. »


Il s’agit notamment, selon le docteur Zagury, de se dégager de l’obsession des soins et des traitements, pour favoriser « un contrôle bienveillant mais ferme, à base d’accompagnement thérapeutique et de balisage du parcours ».


« La rencontre avec l’agent de probation et d’insertion ou le travailleur social est tout aussi utile que le soutien thérapeutique, conclut le docteur Zagury. Car ce qui pousse le délinquant sexuel à la récidive le plus souvent n’est pas une pulsion, mais un sentiment d’isolement et d’abandon. »

source : lemonde.fr
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