Le Conseil constitutionnel dit non à la motivation des arrêts de cour d’assises

Article publié le 01/04/2011 sur lemonde.fr



Les partisans de la motivation des arrêts de cour d’assises n’ont pas convaincu le Conseil constitutionnel. Dans sa décision rendue vendredi 1er avril en réponse à deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), le Conseil considère que l’absence de motivation n’est pas contraire à la Constitution. Il relève que la procédure pénale en matière d’arrêts criminels comporte suffisamment de « garanties propres à exclure l’arbitraire ».


Le débat sur la motivation des arrêts criminels est régulièrement relancé lorsqu’une décision de condamnation est prononcée par une cour d’assises en l’absence de preuves formelles de culpabilité de l’accusé.


La cour et les jurés se déterminent en fonction de leur « intime conviction », telle qu’elle est définie par l’article 353 du code de procédure pénale. Cet article est lu par le président avant que la cour ne se retire et il doit être affiché dans la salle des délibérés .


Dans son arrêt, le Conseil constitutionnel souligne qu’au regard de la Constitution, l’obligation de motivation ne présente pas un « caractère général et absolu », mais que «l’absence de motivation ne peut trouver de justification qu’à la condition que soient instituées par la loi des garanties propres à exclure l’arbitraire ».


Reprenant point par point les dispositions du code de procédure pénale, le Conseil estime que tant l’organisation des débats devant la cour d’assises que celles des règles du délibéré présentent ces garanties.


Il rappelle notamment que selon le principe de l’oralité des débats, la cour et le jury d’assises ne forgent leur conviction « que sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirement débattus », que toute décision défavorable à l’accusé doit être adoptée par au moins la majorité absolue des jurés, que ceux-ci doivent répondre à la question de la culpabilité sur chaque fait spécifié dans la mise en accusation, que ces questions peuvent être complétées à l’initiative de chacune des parties pendant les débats et qu’elles sont énoncées publiquement avant que la cour et les jurés n’entrent en délibéré.


« Il résulte de l’ensemble de ces garanties que le grief tiré de ce que les dispositions critiquées laisseraient à cette juridiction un pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilité d’un accusé doit être écarté », indique le Conseil constitutionnel.


« Toute l’histoire de la Cour d’assises en France est celle de la recherche d’un équilibre entre le poids respectif des jurés et celui des magistrats. La cour d’assises est donc  un enjeu politique », celui de « la place des citoyens dans le procès criminel », précise le commentaire de cette décision.


« Estimer que la décision de la cour d’assises doit être motivée revient à remettre en question le principe selon lequel le verdict est l’expression directe du choix des jurés (…) Fondamentalement, le choix du jury criminel, en France, n’est pas qu’un choix procédural, c’est la traduction de l’idée que le constat du crime n’est pas seulement une question d’argumentation juridique. Le crime doit pouvoir être constaté par tout citoyen qui doit pouvoir dire: “ceci est un crime”. (…)


En ce sens, il y a une justification à la non-motivation littérale de l’arrêt criminel. On peut ne pas partager les motifs de cette justification et les trouver insuffisants. Toutefois, une part du débat sur ce point relève de l’opportunité politique qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de trancher», conclut le commentaire de la décision.


Un exemple très intéressant de motivation d’un arrêt criminel avait été donné lors du procès de Cécile Brossard, condamnée en juin 2009 pour le meurtre du banquier Edouard Stern par la cour d’assises de Genève.

source : lemonde.fr
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