Le Canada, champion de la médiation

De la résolution de conflits familiaux à la réinsertion des détenus en passant par la lutte contre la violence à l’école, le pays a développé des pratiques sociales inspirantes. 

Se démarquant des États-Unis grâce au filet social (assurance-maladie, assurance emploi…) qui protège tous ses citoyens, le Canada est aussi un champion des pratiques sociales novatrices. Axées sur le respect et le dialogue, celles-ci misent sur la recherche de solutions équitables.

Qu’il s’agisse de la médiation entre ex-conjoints, de la lutte contre l’intimidation à l’école ou de la réinsertion des détenus ­ les concepts qui ont été inventés ou peaufinés au Canada sont une source d’inspiration pour de nombreux pays… dont la France.

Gérer sans heurt les séparations

La médiation familiale est tellement entrée dans les moeurs au Québec que la majorité des couples qui se séparent y ont recours spontanément. Avec raison, puisque huit sur dix parviennent à une entente à l’issue du processus.

Née en Californie en 1968, la médiation familiale s’est vite propagée au Canada anglophone et au Québec où ce service est en partie gratuit. Cette méthode de résolution de conflits permet aux « ex » de se retrouver en terrain neutre avec un tiers, le médiateur. Celui-ci est un professionnel (juriste, psychologue, travailleur social…) agréé par l’Etat après avoir reçu une formation spécifique.

Avantages de la formule? « Cela aide d’une part à maintenir ou à restaurer le dialogue avec l’ex-conjoint, répond Lorraine Fillion, travailleuse sociale et médiatrice familiale, qui a formé plusieurs médiateurs en France et en Belgique depuis la fin des années 1980. D’autre part, cela permet de garder le cap sur le bien-être des enfants plutôt que sur les difficultés conjugales. »

La question de la garde des enfants est l’un des principaux sujets de la médiation. Le plus souvent, c’est l’hébergement alterné chez l’un et l’autre parent qui sera privilégié par les juges. Depuis les années 1990, le Québec offre gratuitement des « ateliers de coparentalité » qui permettent aux parents séparés d’apprendre à mieux répondre, ensemble, aux besoins de leurs enfants. Également importée de la Californie dans les années 1980, la garde partagée n’a guère soulevé de polémique au Canada.

« Les jeunes pères revendiquent de plus en plus leur place, observe Lorraine Fillion. Ils sont très impliqués dans l’éducation et les soins de leurs enfants et pour eux, c’est naturel de continuer. »

Haro sur l’intimidation

Le suicide de trois adolescentes, victimes d’intimidation à l’école et/ou sur Internet, a bouleversé le pays ces dernières années. Et incité les gouvernements provinciaux et fédéral à imaginer des solutions pour contrer ce problème.

Ainsi, quelques mois après le suicide d’une Québécoise de 15 ans, une loi pour lutter contre l’intimidation et la violence à l’école a été adoptée à l’unanimité en 2012. Celle-ci oblige les écoles de la province à se doter d’un plan de lutte contre toutes formes de violence et d’intimidation. Quant aux commissions scolaires (organismes de gestion des écoles publiques), elles sont désormais obligées de conclure une entente avec les services de police de leur territoire pour déterminer la façon de porter plainte ou de signaler un acte d’intimidation.

La lutte contre la violence à l’école ne date toutefois pas d’hier. « Depuis la fin des années 1970, divers programmes sont mis en place pour prévenir la violence dès la maternelle », rappelle Gérald Boutin, professeur au département d’éducation et de formation spécialisée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. « Il s’agit de montrer très tôt aux enfants à respecter les autres, à exprimer leurs points de vue et à gérer leur colère. » Comme le précise ce spécialiste, ces programmes ne sont jamais imposés mais toujours développés en lien avec les parents et les enseignants.

La médiation par les pairs est l’une des méthodes préconisées dans les écoles primaires et secondaires du pays. Initiés aux rudiments de cette pratique, des élèves volontaires peuvent offrir leurs services aux autres enfants afin de désamorcer les situations de conflit dans les cours de récré. « Ces élèves sont encadrés par des enseignants ou des éducateurs qui ont eux-mêmes reçu une formation souvent axée sur les techniques de la communication positive incitant au respect de l’autre et au dialogue », dit Gérald Boutin.

Contrer la récidive

Pour alimenter sa réflexion sur le projet de réforme pénale en France, la Garde des Sceaux Christiane Taubira était en visite officielle au Canada en mars dernier. Elle a pu observer des méthodes efficaces de prévention de la récidive et de réinsertion des détenus qu’elle espère importer en France. La peine de probation, notamment, qui permet aux condamnés de purger leur peine « au sein de la communauté » plutôt qu’en prison. Une pratique courante au Canada où quelque 100 000 probationnaires (ayant pour la plupart reçu des peines de moins de deux ans) sont suivis chaque année.

En plus de désengorger les prisons et d’être économique, la probation réduit les risques de récidive et favorise la réinsertion. « On sait que les peines de détention sévères ne sont pas dissuasives, dit Denis Lafortune, professeur titulaire et directeur de l’École de criminologie de l’Université de Montréal.Alors qu’un probationnaire bien encadré, bénéficiant de programmes adaptés (contre la toxicomanie, la violence conjugale) a moins de chance de rechuter. »

Même si le gouvernement conservateur de Stephen Harper a durci les peines d’emprisonnement et sabré dans certains programmes de prévention et de réinsertion, le Canada n’en demeure pas moins à l’avant-garde en la matière. Créé par Denis Lafortune, le programme correctionnel « Parcours », implanté dans les prisons provinciales du Québec, devrait bientôt être exporté en France. « Les interventions bien structurées, avec suivi après la sortie, permettent de contrecarrer l’effet toxique de la prison et de diminuer la récidive jusqu’à 25 ou 30% », dit-il.

Des policiers dans les écoles

Christiane Taubira s’est aussi intéressée à la façon dont le pays lutte contre la délinquance ­ en baisse constante depuis quinze ans. Depuis les années 1980, celle-ci passe d’abord par le rapprochement de la police avec les habitants et avec les organismes communautaires de quartier. Des policiers en uniforme sont, par exemple, souvent présents dans des écoles. « Non pas dans un esprit de confrontation mais pour créer un lien de confiance avec les élèves et les enseignants », dit Benoît Dupont, directeur du Centre international de criminologie comparée, à Montréal, auteur notamment d’un « Que sais je? » sur les polices du Québec. « L’objectif est de collaborer à l’identification de problèmes de trafic de drogue, de harcèlement… et surtout, de faire de la prévention. »

Les services de police canadiens ne sont toutefois pas parfaits, loin s’en faut. Lors de certains événements très médiatisés ­ comme le Sommet du G20 de Toronto en 2010 et les manifestations étudiantes de 2012 à Montréal ­ leurs interventions musclées et autres arrestations massives ont été vivement dénoncées. N’empêche que l’image de la police demeure excellente. « Le taux de confiance (85%) de la population canadienne dans sa police est de vingt points supérieurs à celle observée en France (65%) », précise Benoît Dupont.

Le système de déontologie de la police est également fort différent de celui de la France. « Au Québec, par exemple, n’importe qui peut porter plainte contre un policier sur Internet, sans devoir se rendre au poste de police, dit Benoît Dupont. Les jugements et les noms des policiers reconnus coupables sont également accessibles en ligne. »
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