Infographie : ce qu’il faut savoir sur la récidive

« Les politiques pénales des cinq dernières années ont aggravé la récidive », déclare Christiane Taubira en juin. Pour réfléchir aux questions de la dangerosité et de la récidive, le ministère de la Justice installe une « conférence de consensus » le 18 septembre.

 

Des professionnels de la justice, experts et politiques de tous bords doivent désigner un jury, qui rendra une synthèse d’ici la fin de l’année. Le gouvernement veut partir de cette base pour infléchir sa politique pénale.

 

Mais quand on parle de récidive, comment éviter les clichés, les préjugés et la manipulation politique des chiffres ? Avec notre infographie et quelques rappels, pour un débat éclairé.

 

 

 

1 – Récidive, un terme fourre-tout

 

Pour qu’un individu puisse être qualifié de « récidiviste » au sens légal du terme, il doit avoir déjà été condamné une première fois, pour la même infraction (ou une infraction assimilée, comme vol/recel), dans les cinq années précédentes. Comme l’explique une loi de 2007 :

 

« Le délinquant en état de récidive légale encourt le doublement des peines maximales inscrites dans le code pénal. Les autres infractions commises après une condamnation définitive relèvent de la notion de réitération. »

 

La confusion entre récidive et réitération est source de nombreux malentendus. Si la récidive ne concerne que 11% des délinquants condamnés en 2010 (chiffres officiels du ministère de la Justice), ils sont presque 30% à être des réitérants : c’est-à-dire qu’au cours de leur vie, ils ont déjà été condamnés pour d’autres délits.

 

Prenons l’exemple d’une personne condamnée pour vol à main armée : elle a très peu de chances d’avoir déjà comparu pour la même chose. Mais elle peut avoir déjà été jugée pour conduite en état d’ivresse peu de temps auparavant. Elle n’est pas récidiviste, mais réitérante.

 

2 – Une augmentation globale… diversement interprétée

 

Depuis 2000, le taux de récidive des délinquants a augmenté régulièrement tous les ans sans jamais refluer, passant de 4,4% des condamnés à 11,1% en 2010 (chiffre provisoire). A noter que la création régulière de nouveaux délits contribue à ce chiffre.

 

Même chose pour les criminels : le taux de récidive atteint désormais 6%. Traduction : parmi les condamnés pour crime, un sur dix-sept a déjà commis un crime de même nature.

 

Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, plusieurs lois visant à lutter contre la récidive ont été votées. Elles prévoient de nouvelles mesures :

 

les peines planchers, la fin de l’excuse de minorité et l’injonction de soin (2007) ;

la rétention de sûreté (2010) : pour l’instant, le centre de rétention de sûreté, à Fresnes, est vide. Son avenir dépendra largement de la consultation lancée par Christiane Taubira.

L’augmentation continue de la récidive pendant cette période donne lieu à des interprétations politiques opposées :

 

les lois destinées à lutter contre la récidive ne sont pas assez répressives, il faut les renforcer ;

ces lois sont inefficaces parce que la répression n’empêche pas la récidive.

 

3 – Plus le crime est grave… moins on recommence

 

En valeur absolue (les criminels sont évidemment beaucoup moins nombreux que les délinquants) comme en pourcentage, la récidive est beaucoup plus faible pour les infractions les plus graves.

 

En tête des récidivistes : les conducteurs alcoolisés (16% des condamnés de 2010 l’ont déjà été pour la même chose), les voleurs et les receleurs (17%). A l’inverse, la récidive est très faible chez les violeurs (4% des condamnés sont en état de récidive) et les meurtriers (3,6%).

 

La dernière étude détaillée sur la récidive et la réitération date de 2007. « Aucune “ étude longue ” n’a été faite sur le sujet depuis », confirme le ministère de la Justice.

 

4 – La prison, une réponse inadaptée

 

S’il y a bien un point où tous les chiffres convergent, c’est sur l’inefficacité de l’enfermement pour interrompre une carrière délinquante. Ainsi, d’après l’étude des démographes [PDF] Annie Kensey et Abdelmalik Benaouda :

 

63% des sortants de prison (sans aménagement de peine) y retournent dans les cinq ans ;

ils ne sont que 23% quand ils bénéficient d’une libération conditionnelle. Deux interprétations sont possibles : soit la libération conditionnelle prépare mieux la réinsertion ; soit les détenus éligibles à la libération conditionnelle sont déjà ceux qui présentent le moins de risques de recommencer ;

à noter, une réitération légèrement supérieure à la sortie de prison pour les Français (64% retournent en prison dans les cinq ans) par rapport aux étrangers (44% retournent en prison dans les cinq ans).

D’après le ministère de la Justice, le bracelet électronique (une possibilité depuis 2005) serait bien plus favorable à la réinsertion :

 

« Cinq années après le placement sous surveillance électronique, six condamnés sur dix (58%) n’ont pas de nouvelle condamnation inscrite sur leur casier judiciaire. Moins d’un quart (23%) ont une nouvelle affaire sanctionnée par une peine de prison ferme.

 

Ces résultats placent a priori la surveillance électronique dans une position plus favorable, en termes de récidive, que la détention. »

 

5 – Les mesures envisagées… par le gouvernement Ayrault

 

Pour tenter de réduire la récidive, plusieurs pistes de travail ont émergé au sein du gouvernement Ayrault :

 

détricoter ce qu’a fait le gouvernement Fillon (Christiane Taubira) : mettre fin aux peines planchers et à la rétention de sûreté ;

le dispositif de suivi et de contrôle des individus les plus dangereux (François Hollande) :

« Et notamment de ceux qui sont soumis à un contrôle judiciaire ou ceux qui ont achevé leur peine mais qui doivent encore être surveillés compte-tenu de leur caractère dangereux. Les procédés techniques existent, les localisations sont possibles, les informations sont indispensables. Nous y veillerons. »

 

la probation ou « contrainte pénale communautaire » (Christiane Taubira) : il s’agirait de ne placer en détention les délinquants qu’en « dernier recours ». Si possible, ils devraient purger une peine en milieu ouvert.

 

6 -La probation à l’étranger

 

Plusieurs pays ont déjà ajouté la probation au répertoire de leurs sanctions pénales, comme le Canada, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne ou la Suède. D’après Le Monde, elle aurait permis « de réduire la récidive de 50% en moyenne » dans ces pays.

 

En 2010, le Conseil de l’Europe adresse une recommandation aux Etats sur la probation :

 

« Les services de probation ont pour but de réduire la commission de nouvelles infractions en établissant des relations positives avec les auteurs d’infraction afin d’assurer le suivi (y compris un contrôle, le cas échéant), de les guider et de les assister pour favoriser la réussite de leur insertion sociale.

 

De cette manière, la probation contribue à la sécurité collective et à la bonne administration de la justice. »

 

La mesure envisagée par Christiane Taubira ne concernerait pas les criminels, auteurs des faits les plus graves.

 

Texte : Camille Polloni ; infographie : Frédéric Bourgeais (Upian)

source : Rue89.com
Partagez :