« Il y a un risque que la réforme pénale contribue à augmenter le nombre de prisonniers »

Si la politique de la garde des sceaux, Nicole Belloubet, entend mettre en place des peines plus adaptées, la réalité du projet de réforme va aggraver la situation du système carcéral, dénonce la présidente de l’Observatoire international des prisons, Delphine Boesel, dans une tribune au « Monde».`

Tribune. La fin de l’année 2018 a été marquée par un nombre encore jamais atteint de personnes incarcérées dans les prisons françaises. Avec cette désagréable sensation qu’à chaque augmentation du nombre des personnes enfermées, on constate le record, sans que l’on ne se donne jamais les moyens de faire diminuer ce chiffre. Plus de 71 000 personnes sont ainsi détenues en France, pour un nombre de places effectives bien inférieur. Un état de faits qui entraîne de facto une aggravation des conditions de détention et, dans le même temps, une dégradation des conditions de travail des personnels.

Pour y faire face, le gouvernement a annoncé que sa politique permettrait d’avoir bientôt 8 000 détenus de moins : trouvant les mots justes pour décrire une situation connue de tous, il dénonçait les courtes peines de prison, « plus désocialisantes que réinsérantes », qui engorgent les maisons d’arrêt surpeuplées. Ainsi, la réforme de la justice devrait conduire, dit-on, à des peines plus adaptées. C’est-à-dire à des alternatives à la prison : des peines moins destructrices, favorisant la réinsertion, plus réparatrices du dommage causé et plus efficaces. La prison ne doit plus être l’alpha et l’oméga de la peine. C’est le champ des discours.

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Pour quelle réalité ? Un projet de réforme pénale qui ne va non seulement pas réduire la population carcérale mais qui risque, bien au contraire, d’aggraver la situation. Et qui n’apporte pas les solutions escomptées et espérées. La suppression des peines de moins d’un mois n’est que symbolique, car elle ne concernera en réalité que très peu de personnes. Les aménagements de peines vont quant à eux être considérablement réduits, alors même que des études criminologiques attestent de leur efficacité supérieure à l’enfermement en termes de prévention de la récidive.

Appel d’air

En effet, la loi prévoit aujourd’hui que soit privilégié l’aménagement de toutes les peines de moins de deux ans de prison (si la condamnation n’est pas en récidive), lorsque « la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ». Ce qui laisse tout de même une large marge de manœuvre aux magistrats. Après la réforme, les peines de plus d’un an de prison ne seront plus aménageables ab initio (avant incarcération) et les peines de six mois à un an ne seront aménageables que si la juridiction de jugement le décide. Il y a donc un risque certain que cette réforme contribue de fait à augmenter le nombre de prisonniers.

 

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