Hausse du nombre de suicides en prison en 2009

Article paru sur LeMonde.fr le 18 janvier 2010


Le nombre des suicides en prison est en augmentation : 115 ont été dénombrés en 2009, contre 109 en 2008, a annoncé lundi 18 janvier la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie. Ces chiffres, qu’elle a qualifiés de « dramatiques », englobent désormais les détenus décédés à l’hôpital des suites des blessures consécutives à leur geste. Si l’on inclut les personnes en semi-liberté, en permission de sortie, en hospitalisation ou sous bracelet électronique, 122 suicides ont été recensés en 2009, contre 115 en 2008.


Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques publiée à la mi-décembre, la France détient le taux de suicides en prison le plus élevé de l’Europe des Quinze, en chiffres absolus et relatifs (20 suicides pour 10 000 détenus, moyenne annuelle entre 2002 et 2006). Vendredi, Michèle Alliot-Marie avait affirmé sur France Info que « les suicides dans les prisons sont des drames humains, ce ne sont en rien des secrets d’Etat (…), en revanche nous avons à agir ». Rappelant que des mesures avaient été mises en œuvre l’été dernier, la ministre a admis qu’elles étaient « encore insuffisantes », mais semblaient néanmoins « commencer à porter leurs fruits ».


Ces mesures d’urgence sont de plusieurs sortes : un kit de protection pour les prisonniers les plus fragiles comprenant un matelas anti-feu, des draps indéchirables et des pyjamas en papier à usage unique ; la formation des surveillants dans les quartiers d’isolement, les quartiers pour mineurs ou ceux des arrivants ; la présence de la radio dans les quartiers disciplinaires expérimentée dans quatre établissements ; et les boîtes aux lettres destinées aux familles afin qu’elles puissent s’adresser à l’administration de la prison.


Pour Stéphanie Djian, déléguée nationale adjointe de l’Observatoire international des prisons (OIP), les déclarations de la ministre de la justice témoignent d’un « refus de remettre en cause la politique actuelle de prévention des suicides ». Contactée par LeMonde.fr, elle estime que ces dispositions, inspirées des recommendations formulées par le professeur Jean-Louis Terra – psychiatre chargé en 2004 d’une mission sur la prévention du suicide en milieu carcéral –, visent principalement « à empêcher les détenus de passer à l’acte, mais ne comportent aucune mesure pour limiter la souffrance des détenus ».


Selon elle, le décalage entre les chiffres et les mesures est « indécent ». D’autant plus que la politique actuelle semble montrer ses limites : « Après une baisse en 2007, nous sommes revenus aux chiffres de 2004 ». Or, malgré son échec, cette politique n’a été remise en question ni par Rachida Dati, ancienne garde des sceaux, ni par Michèle Alliot-Marie lors de son arrivée au ministère de la justice, dénonce-t-elle.


L’OIP plaide pour « une réorientation basée sur la circulaire du ministère de la justice, datant de 1998, et qui préconise de ‘restaurer l’individu dans sa dignité' ». Stéphanie Djian ajoute qu’une politique visant uniquement à éliminer les objets dangereux autour du prisonnier est inutile : « Un détenu en souffrance trouvera toujours le moyen de se faire du mal, nous avons l’exemple d’un détenu placé en isolement total, et qui s’est mordu le poignet pour s’arracher les veines. »

La déléguée de l’OIP salue néanmoins le souhait émis par Michèle Alliot-Marie de renforcer ses liens avec le ministère de la santé. « La prévention du suicide en prison est un problème de santé publique, observe-t-elle. Il est normal qu’il soit pris en charge par le ministère adéquat. »

source : LeMonde.fr
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