Exécution des peines de prison: vers un nouveau tour de vis sécuritaire

Article publié le 6/06/2011 sur liberation.fr


Le député UMP Eric Ciotti va remettre mardi à Nicolas Sarkozy une série de propositions pour durcir le système d’application des peines. Au menu, une cinquantaine de mesures, plus sécuritaires les unes que les autres et critiquables à bien des égards. A croire que le député n’a pas écouté un mot des revendications du corps judiciaire en mars dernier après la disparition de Laetitia Perrais, en Loire-Atlantique, près de Pornic.

Dans le détail, les cinquante propositions de Ciotti ne seront rendues publiques que mardi soir après la remise du rapport à Nicolas Sarkozy. Mais en pratique, elles sont en partie déjà connues, dévoilées en mars dernier par l’UMP dans le cadre des travaux d’élaboration du projet présidentiel.

Voici à grands traits, les propositions d’Eric Ciotti:

Augmenter le nombre de places en prison et diversifier l’offre carcérale.

A l’horizon 2018, la capacité carcérale devra atteindre 80.000 places, propose Eric Ciotti. Ce qui se traduirait par une augmentation de 20.000 places par rapport à aujourd’hui. Si le problème de la surpopulation carcérale est régulièrement posé, une telle hausse du nombre de places n’avait pas été évoquée jusqu’ici et soulève des questions de fond, comme le soulignait Martine Lebrun, présidente de l’association des juges d’application des peines, interrogée par Libération.fr en mars dernier sur les propositions de l’UMP: «le gouvernement parie sur une augmentation de la délinquance, c’est quand même extraordinaire comme raisonnement!»

Par ailleurs, Eric Ciotti souhaite créer des places dans «des structures pénitentiaires légères», présentées comme des alternatives aux prisons classiques. «On a une offre carcérale très monolithique, avec le même degré de sécurité imposé partout», explique l’entourage de Ciotti. L’idée est de diversifier l’offre en d’ouvrant des «structures allégées» pour les personnes condamnées ne présentant «pas de risque de dangerosité ou d’évasion». Parmi les pistes: utiliser par exemple «d’anciennes emprises militaires» ou «des structures modulaires légères» ou encore «en louant des immeubles privés», détaille l’AFP.

Restreindre les aménagements de peine.

Pas à une incohérence près, le député souhaite revenir sur les aménagements de peine prévus par la loi pénitentiaire de 2009. Pour désengorger les prisons, il avait été décidé à l’époque que les personnes condamnées à moins de deux ans ferme puissent bénéficier directement d’un aménagement de peine sans passer par la case prison. Ciotti recommande de revenir en arrière, en limitant les aménagements aux peines n’excédant pas un an de prison et de les réserver aux seuls condamnés qui se présentent à l’audience.

L’abandon des crédits «automatiques» de réduction des peines.

L’expression «automatique» fait hurler une bonne partie du corps judiciaire: les remises de peine ne sont pas automatiques à proprement parler, le juge d’application des peines peut s’y opposer à tout moment. Mais chaque condamné sait en arrivant en prison que s’il se comporte bien pendant sa détention, il pourra bénéficier d’une réduction de peine, calculée de manière automatique en fonction de la durée de la condamnation. Exemple: une personne condamnée à trois ans ferme peut sortir au bout de deux ans et cinq mois. C’est ce mode de calcul là, que le député UMP souhaite abroger.

Placement sous main de justice pour une période «incompréhensible»

Le rapport préconise d’instaurer une période «intangible» de «placement sous main de justice» comprenant la détention et la période de mise à l’épreuve et correspondant à la durée de la peine prononcée. Sur le fond, l’idée n’a rien de révolutionnaire. Cela existe déjà, c’est ce qu’on appelle la liberté conditionnelle! «Oui, mais paradoxalement avec le système actuel, les personnes les plus dangereuses — donc à qui le juge d’application des peines refuse la liberté conditionnelle— se retrouvent à la fin de leur peine, libres du jour au lendemain. D’où cette idée d’instaurer une période incompressible pour éviter les sorties sèches», défend l’entourage d’Eric Ciotti.

Placer l’exécution des peines sous l’autorité du parquet.

L’idée est dans l’air depuis un bout de temps. Tout comme le juge d’instruction ou le juge des enfants, le métier de juge d’application des peines est régulièrement dans le collimateur du gouvernement. Son indépendance dérange. D’où cette idée de confier l’exécution des peines au procureur, magistrat sous le contrôle hiérarchique du garde des Sceaux.

Un service civique pour les mineurs récidivistes

Il s’agit là de créer une nouvelle peine. Le rapport préconise de placer les jeunes délinquants par «petits groupes de 4 ou 5, 10 maxi. Et qu’ils soient encadrés par des associations ou éventuellement placés dans un cadre militaire pour leur réapprendre les règles», explique-t-on au cabinet du député.

source : liberation.fr
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